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Le système sociopolitique construit depuis l’indépendance et qui
relayait la structure pyramidale de
l’Etat colonial est totalement
épuisé et n’offre plus de solution au développement et à la paix au
Cameroun. Il doit être éliminé et l’Etat reconstruit sur de nouvelles
bases. Et ces bases consistent à donner au Cameroun un Etat où tous les
citoyens se reconnaissent, ce qui suppose qu’il est construit en se
fondant sur son histoire, sa géographie et sa sociologie.
La
forme de l’Etat n’est pas un produit d’usage courant qu’on va acheter au
marché. C’est un instrument sur devis, qui doit être à la pointure de
chaque pays, et ce n’est pas pour rien que chaque pays a son Etat qui ne
ressemble à aucun autre! On ne saurait donc aller copier la structure
des Etats dans les livres de droit et de philosophie, et venir les
plaquer sur la Communauté camerounaise, dans l’abstraction totale de ses
réalités humaines, historiques, culturelles et économiques.
La
grossière erreur des Camerounais est d’avoir tenté de le faire dans le
refus des référents précoloniaux qui se traduisent concrètement par
l’existence des communautés vivantes. Ce faisant, ils ont exclu du
système le principal acteur sans lequel rien d’honnête et de solide ne
peut se construire, à savoir les communautés précoloniales, fabriquant
alors un système tendu et dangereux, trop coûteux et qui génère la haine
et la misère.
De fait, en ostracisant les Communautés au lieu
de réguler leur cohabitation, on a instauré une compétition
intercommunautaire explosive sur les avantages de l’Etat, à savoir les
emplois publics, les positions de pouvoir et les infrastructures
collectives, et on a abouti à une impossibilité opérationnelle de gérer
des exigences contradictoires de justice et d’équité :
-du point
de vue de l’équité communautaire, les Communautés camerounaises qui sont
vivantes participent à l’Etat, subissent l’Etat et réclament à juste
titre un droit adéquat sur les avantages de l’Etat ;
-du point de vue de la justice citoyenne, les citoyens doivent être égaux, sans discrimination.
Pour tenter de concilier ces deux exigences, l’Etat postcolonial a dû
recourir aux techniques bancales de l’équilibre régional, l’usage des
notions d’autochtones ou les listes ethniquement panachées, toutes
techniques à la libanaise qui peuvent pendant un certain temps garder
une apparence de normalité, mais qui se révèlent à la longue très
dangereuses.
En réalité, au moindre rationnement des avantages,
elles aboutissent à une situation explosive où les communautés finissent
par se regarder en chiens de faïence, prêtes à se charcuter à la
moindre occasion pour s’approprier le pouvoir d’Etat.
Au
Cameroun d’aujourd’hui, tout le monde joue la comédie de la démocratie,
mais personne n’y croit. Les Nordistes parlent de récupérer « leur »
pouvoir, les Bamilékés disent que c’est leur tour, les Ekang
développent des stratégies pour le confisquer, les Anglophones ont pris
des armes. Sans compter les autres qui estiment aussi leur heure venue…
On ne peut pas continuer à jouer indéfiniment à ce jeu auquel personne
ne croit, à commencer même par les dirigeants eux-mêmes. Autant Ahidjo
que Biya qui tenaient ce discours se sont arrangés à avoir une garde
présidentielle ethniquement marquée, tournée autour de leurs tribus
respectives, et il en sera d’ailleurs ainsi pour ceux qui viendront
après eux. Et personne ne peut le leur reprocher parce que le pouvoir
dans un Etat artificiel est très violent. Aussi est-il plus prudent de
compter sur les siens, mêmes si, pour des besoins de la cause, on tient
le discours de l’unité nationale.
Et c’est d’ailleurs le lieu de
le dire : il faut se méfier des politiciens qui pourfendent le
tribalisme et prétendent représenter l’unité nationale, mais sans dire
de manière concrète comment ils comptent résoudre les antagonismes
tribaux. Se borner à parler de « bonne gouvernance » pour résoudre le
problème tribal est une imposture, car ce problème relève plus du
vivre-ensemble collectif qui renvoie à l’architecture fondamentale de
l’Etat, bien en amont de la gouvernance opérationnelle. Même si la
mauvaise gouvernance peut venir l’amplifier, il est totalement
indépendant et le nier, c’est prouver qu’on n’est pas capable de le
surmonter. En fait, c’est la preuve qu’on va faire pire !
C’est
le modèle d’Etat qui est vicié et faut y mettre fin : les Camerounais ne
se détestent pas. Dans les quartiers, ils vivent ensemble, chacun
vaquant à ses occupations. Dans les marchés, ils vendent ensemble.
Chacun reconnaît sa tribu qu’il traite de manière préférentielle, mais
cela ne prête pas à conséquence puisque cela rejoint nos comportements
segmentaires traditionnels.
Les conflits apparaissent
essentiellement lorsqu’il s’agit de partager les avantages de l’Etat, et
on le voit à l’occasion des nominations, des élections, de la
réalisation d’une Université, des recrutements dans les écoles, etc. La
création d’une institution comme les Ecoles Normales donnent lieu à
toutes les réclamations inimaginables pour un peuple prétendument uni.
Les seuls débats menés sur le Cameroun portent sur ses relations entre
le pouvoir d’Etat et les tribus : c’est telle tribu qui confisque le
pouvoir, telle autre qui veut l’arracher, telle autre qui ne peut plus
être au pouvoir, telle autre qui ne peut jamais être au pouvoir, etc.
On n’en finit pas ! Comment des gens normaux peuvent vivre avec une telle ambiance ?
Il faut mettre fin à cette situation ! C’est le mode de fonctionnement
de l’Etat qui est responsable de la haine au Cameroun et c’est l’Etat
qu’il faut réformer, en dispersant les pouvoirs monstrueux concentrés à
Yaoundé auprès des segments territoriaux et communautaires, de manière à
rendre le pouvoir de l’Etat central moins attractif et réduire sa
malfaisante séduction qui risque de nous basculer dans l’épouvante et
l’horreur.
Il faut fédéraliser le Cameroun, non seulement parce
que les Anglophones le demandent, mais aussi pour l’intérêt et la survie
du Cameroun.
Sur la structure de la Fédération Camerounaise, je vais revenir sur deux principes déjà évoqués :
-LE PRINCIPE DE L’EQUITE COMMUNAUTAIRE : chacune de nos régions auraient pu être un Etat et avoir des magistrats, des médecins, des enseignants, des diplomates. Son appartenance au Cameroun ne saurait être une occasion de la spolier des droits qu’elle aurait si elle avait été un pays ;
-LE PRINCIPE DE L’EQUITE COMMUNAUTAIRE : chacune de nos régions auraient pu être un Etat et avoir des magistrats, des médecins, des enseignants, des diplomates. Son appartenance au Cameroun ne saurait être une occasion de la spolier des droits qu’elle aurait si elle avait été un pays ;
-LE PRINCIPE DE LA JUSTICE CITOYENNE : la réunion
de ces régions au sein d’un même pays a apporté des bénéfices en termes
d’agglomération, de spécialisation et d’économie d’échelle. Il est donc
normal que ces gains fassent partie de la collectivité, indépendamment
des régions.
Il en découle naturellement que l’Etat du Cameroun doit avoir deux niveaux institutionnels :
-les Etats Fédérés, qui réalisent l’équité communautaire, et gèrent 50%
des ressources fédérales et 70% d’emplois, réservés à leurs citoyens,
c’est-à-dire, aux Camerounais qui l’ont choisi cet Etat ;
-l’Etat
Fédéral, qui réalise la justice citoyenne, et gère 50% des ressources
fédérales et 30% d’emplois, réservés aux Camerounais les plus aptes
indépendamment de leurs origines.
C’est le seul modèle qui va
nous préserver de l’effrayant face-à-face des communautés et des
machettes pour s’approprier du pouvoir d’Etat.
Dieudonné ESSOMBA