
Huit jeunes
camerounaises ont vécu l’enfer pendant de nombreux mois au Koweït.
Parties chercher
une vie meilleure dans ce pays du Golfe persique, elles se sont retrouvées piégées par des passeurs et rabaissées au rang d’esclaves par leurs employeurs. Un enfer qui a pris fin le 14 octobre dernier lorsqu’elles ont regagné le Cameroun. Témoignage.
une vie meilleure dans ce pays du Golfe persique, elles se sont retrouvées piégées par des passeurs et rabaissées au rang d’esclaves par leurs employeurs. Un enfer qui a pris fin le 14 octobre dernier lorsqu’elles ont regagné le Cameroun. Témoignage.
L'esclavage
sévit encore. L'histoire glaçante de ces huit jeunes camerounaises qui
ont vécu la servitude au Koweït en témoigne une fois de plus. Rapatriées
au Cameroun depuis le 14 octobre 2018, le quotidien de ces jeunes
femmes est majoritairement meublé par des sorties médiatiques. Si les
micros et les caméras ont encore soif de leur triste aventure, dans le
mutisme et la peur, elles veulent tenter leur réinsertion dans la
société et s'en remettent aux divins.
Nous
avons rencontré Prudence Kenembeni, chez un proche de la famille à
Yaoundé.C'est elle qui a alerté l'opinion camerounaise à travers une
vidéo sur le traitement inhumain qu'elle et les autres subissaient dans
ce pays. Soulagée d'être rentrée chez elle, Prudence 26 ans, n'en
demeure pas moins profondément traumatisée par ce qu'elle a vécu.
«Là-bas, tu es condamné, tu es bloqué en tout.
Tu n'as pas de liberté. Tu es comme un prisonnier qui travaille et qui
espère avoir quelque chose et en retour tu n'as rien. Il y a des caméras
partout dans les maisons. Il y a des filles qui arrivent là bas et
elles deviennent folles. Ce traumatisme commence à bien s'installer dans
sa tête. Et une fois que tu es folle, tu ne peux plus voyager. Tu ne
peux plus rentrer dans ton pays parce que ça sera une preuve que tu
étais maltraitée.»
Récit du calvaire de Prudence Kenembeni, esclave au Koweït.
Comme bien des Africains, Prudence et ses compagnonnes d'infortune
ont été prises dans le piège de l'immigration clandestine organisée par
des passeurs qui leur ont promis monts et merveilles. Un trafic ignoble
qu'entretiennent sourdement certains Camerounais et Koweïtiens.

©
Sputnik .
Prudence Kenembeni, à son retour à Yaoundé
«Il y a déjà des Camerounais là-bas qui
financent, ils envoient à ceux qui sont ici pour faire les passeports…
ils sont un peu partout, même à l'aéroport. Il y a quelqu'un qui
facilite la démarche à l'intérieur de l'aéroport pour que tu partes. Une
fois que tu es là-bas, on passe encore par toi pour faire venir
d'autres filles et ainsi de suite.
Celle qui te fait venir reçoit ses 150 dinars; l'équivalent de 270.000 FCFA. Quand tu es déjà là, tu commences à vivre le calvaire dans ta maison d'accueil. Pourtant ce n'est pas ce qu'elle te disait au téléphone avant que tu ne voyages. Quand une fille fuit, on rembourse son argent à la famille d'accueil et ils disent à l'agence qui t'a fait venir "l'esclave n'est plus chez moi. Il faut me rembourser mon argent."
Au Koweït, il y a plus de 200 bureaux qui font voyager les filles pour le travail de ménagère. Ils aiment avoir à faire aux gens qui ne sont pas cultivés, qui sont bloqués dans leurs têtes.»
Celle qui te fait venir reçoit ses 150 dinars; l'équivalent de 270.000 FCFA. Quand tu es déjà là, tu commences à vivre le calvaire dans ta maison d'accueil. Pourtant ce n'est pas ce qu'elle te disait au téléphone avant que tu ne voyages. Quand une fille fuit, on rembourse son argent à la famille d'accueil et ils disent à l'agence qui t'a fait venir "l'esclave n'est plus chez moi. Il faut me rembourser mon argent."
Au Koweït, il y a plus de 200 bureaux qui font voyager les filles pour le travail de ménagère. Ils aiment avoir à faire aux gens qui ne sont pas cultivés, qui sont bloqués dans leurs têtes.»
Une fois sur place, les filles se rendent généralement compte de la duperie contractuelle et l'étau se referme sur elle.
«Ce n'est même pas nous qui signons le contrat.
Quand tu arrives, ils ont déjà tout signé. Et le papier même, tout est
écrit en arabe. Ils disent que le contrat c'est deux ans et tu peux
rentrer dans ton pays après. C'est faux! Il y a des filles qui ont fait
sept ans. Quand tu veux rentrer, on refuse. Quand tu fais savoir que tu
veux partir, on saisit ton téléphone, tu ne communiques plus avec ta
famille.»
Épuisée, Prudence enregistre une vidéo le 21 septembre dernier pour
alerter l'opinion camerounaise. Elle témoigne de sa souffrance et se
fait la porte-parole de ses compatriotes dans la même situation.
L'alerte lancée par Prudence Kenembeni au Koweït
Prudence et sept autres filles seront contraintes à passer quelques
jours en prison avent leur rapatriement suite aux plaintes déposées par
leur «ancien maître». Un enfer.
«Avant de retourner au Cameroun, nous avons
fait de la prison. Ça avait été prévu juste avant notre vidéo que sept
filles devaient être envoyées en prison et être rapatriées, quatre
autres devaient payer elles-mêmes leur billet d'avion. Nous avons été
envoyées en prison et nous avons fait cinq jours de prison. Après ces
cinq jours, ils nous ont rapatriés. Nous avons trouvé en prison d'autres
filles qui avaient déjà fait trois mois d'autres deux semaines.En
prison, là bas, vous n'avez pas de savon, vous n'avez pas de brosse à
dents. Juste un seul vêtement. On voyait des cheveux sur le repas, des
insectes, mais on était obligé de manger.»
La vidéo salvatrice a été le point de départ d'un processus de
rapatriement de huit femmes camerounaises par l'entremise du
gouvernement camerounais, d'une association de défense des droits de
l'Homme et de personnes de bonne volonté. Cependant, la jeune femme
subit depuis lors des pressions des réseaux d'esclavagistes.
«Je reçois des menaces tous les jours, je
t'assure. Où je suis, c'est Dieu qui est au contrôle de moi. J'ai eu des
menaces après la vidéo étant toujours au Koweït. Les menaces venant des
gens du réseau du Cameroun et d'autres du Koweït. Donc ceux du Cameroun
ont dit qu'ils m'attendent ici, ils vont me faire du mal. Ceux du
Koweït disaient qu'ils m'attendent à l'aéroport, on va me bloquer.»
Toutes
n'ont pas eu la chance de Prudence et des sept autres filles. Une
douzaine de Camerounaises demeurent encore bloquées au Koweït. Les pays
du Golfe persique sont régulièrement accablés dans des rapports des ONG
de défense des droits de l'Homme, qui dénoncent les mauvais traitements
subis par les migrants. En avril 2017, une vidéo avait déjà fait le tour
du monde. On y voyait une femme koweïtienne filmer son employée de
maison éthiopienne suspendue à la fenêtre. Cette femme essayait
d'échapper aux coups de sa geôlière et a miraculeusement eu la vie sauve
après une chute de sept mètres.
Source: sputniknews.com

