
Une pétition a été adressée aux autorités françaises afin que la
décoration accordée à la chef de
l’exécutif, mise en cause par la rue,
lui soit retirée.
Alors que Carrie Lam est, depuis deux
semaines, la cible de manifestations massives contre un projet de loi
d’extradition qui répugne à la majorité des Hongkongais, et dont elle
fut, semble-t-il, le fer de lance, une pétition a été lancée, demandant
que la chef de l’exécutif soit rayée de l’ordre de la Légion d’honneur,
dont elle a reçu les insignes d’officier en 2015.
Mise
en ligne sur Change.org par une Hongkongaise de 29 ans, Chan Shuk-ying,
étudiante en science politique à Princeton, la pétition a reçu plus de
100 000 signatures en vingt-quatre heures. Le 17 juin, le cap des
150 000 étant passé, la jeune femme a adressé son épaisse enveloppe de
signatures au président français, Emmanuel Macron, ainsi qu’au général
Benoît Puga, grand chancelier de la Légion d’honneur, avec copie au
consul général de France à Hongkong, Alexandre Giorgini.
« Nous pensons que le leadership de Mme Lam (…) et la répression violente de son gouvernement à l’encontre de manifestations pacifiques devraient la disqualifier », indique la lettre. « J’ai
lancé cette campagne avec l’espoir que la communauté internationale et
en particulier le gouvernement français reprochent publiquement à Carrie
Lam de ne pas être une dirigeante responsable, honnête et respectable,
qui protège, plutôt que de compromettre les intérêts vitaux de la
population dont elle a la charge. J’ai été folle de rage en découvrant
qu’elle avait reçu cette décoration, normalement destinée aux personnes
qui font respecter les valeurs de liberté, égalité et fraternité », déclare au Monde Mme Chan.
« Exceptionnelles qualités de négociatrice »
Le
projet de loi controversé a été suspendu – mais non retiré – samedi
15 juin. Mardi 18 juin, au surlendemain d’une nouvelle marche
d’opposition qui a mobilisé, le 16 juin, 2 millions de personnes selon
les organisateurs, Carrie Lam a présenté ses « plus sincères excuses ».
Mais son obstination à ne pas vouloir abandonner ce texte, comme les
opposants le lui réclament, a relancé une nouvelle vague d’opérations de
désobéissance civile. Vendredi 21 juin, plusieurs milliers d’étudiants
ont occupé des immeubles administratifs et bloqué l’accès au Parlement
ainsi qu’au siège du quartier général de la police dans le quartier de
Wan Chai.
Dans le discours
de remise de ses insignes d’officier de la Légion d’honneur, le
10 septembre 2015, le consul général de France de l’époque, Arnaud
Barthélemy, avait souligné les « exceptionnelles qualités de négociatrice »
de Carrie Lam, et avait rappelé son intervention pacificatrice lors de
l’une des premières mobilisations majeures de la société civile
hongkongaise depuis la rétrocession de 1997, autour de la destruction de
la tour de l’Horloge de l’embarcadère du très emblématique ferry de la
ville.
La chef de l’exécutif, « grande amie de la France »,
a, de longue date, entretenu des liens privilégiés avec la communauté
française de Hongkong. En tant que ministre du développement
(2007-2012), elle a supervisé une série de grands travaux (tunnels,
ponts, lignes de métro…) notamment réalisés par Dragages, filiale de
Bouygues Construction. « Quelles que soient ses réussites passées,
Carrie Lam n’est clairement plus le modèle de leader et de haut
fonctionnaire loué par le consul d’alors », dénonce aujourd’hui Chan Shuk-ying.
La police de Hongkong va enquêter sur « les activités illégales » des manifestants
Au lendemain d’un vaste rassemblement dans les rues de Hongkong,
la police locale a annoncé, samedi 22 juin, ouvrir une enquête contre
les manifestants qui, vêtus de noir et armés de parapluies, ont bloqué
la veille son quartier général pour exiger la démission de la chef du
gouvernement du territoire. « La police a fait preuve de la plus
grande tolérance à l’égard des manifestants qui se sont rassemblés
devant le quartier général mais leur manière d’exprimer leurs
revendications est devenue illégale, irrationnelle et déraisonnable », a-t-elle affirmé dans un communiqué.
« La police enquêtera de façon rigoureuse sur ces activités illégales »,
a-t-elle ajouté. Selon elle, une soixantaine d’appels d’urgence n’ont
pu être traités à cause du blocage. Treize membres du personnel de la
police ont été « envoyés à l’hôpital pour être soignés », a-t-elle par ailleurs affirmé, sans préciser les raisons de ces hospitalisations.
Vendredi,
des milliers de personnes se sont massées devant le quartier général de
la police pour exiger la démission de la chef de l’exécutif pro-Pékin,
Carrie Lam, la libération des manifestants arrêtés et une enquête sur la
répression des rassemblements par la police, au cours de la plus grave
crise traversée par l’ex-colonie britannique depuis des dizaines
d’années. Les manifestants ont mené diverses actions de désobéissance
civile dans la ville vendredi – blocage temporaire d’une grande artère,
rassemblements dans plusieurs administrations –, semblant vouloir
prendre de court les autorités.
Par Le Monde