
Nigeria, Egypte, Côte d’Ivoire, Cameroun,
Tunisie, Burkina Faso, Bénin... Ces dernières années
de nombreux pays
africains ont été touchés par des attaques terroristes de plus ou moins
grande ampleur. Alors que le continent enregistre de nouveaux
investissements dans le tourisme, le climat sécuritaire africain,
toujours instable, hypothèque l’avenir d’un secteur en plein essor.
Un continent qui attire de plus en plus de visiteurs…
Même si elle ne compte que pour une part marginale du
tourisme mondial, l’Afrique attire de plus en plus de visiteurs : 67
millions en 2018. D’après les statistiques il s’agit de la deuxième
région du monde où le nombre de touristes a le plus augmenté l’année
dernière, après l’Asie.
Si les destinations les plus prisées du continent
restent des poids lourds de l’économie africaine comme le Maroc,
l’Egypte ou l’Afrique du Sud, d’autres pays comme le Rwanda, le Bénin ou
la Tanzanie ont commencé à développer de véritables politiques
touristiques. Ces politiques ont permis d’augmenter la part du tourisme
dans l’économie des pays du continent.

Au Bénin, les autorités tentent de sécuriser le Parc de la Pendjari.
Dans son rapport « Travel & Tourism Economic Impact 2017, Sub Saharan Africa »,
le Conseil mondial des voyages et du tourisme indiquait que la
contribution totale du tourisme au PIB du continent, évaluée à 108,0
milliards USD (7,1% du PIB) en 2016, se situera à 178,5 milliards USD en
2027 (soit 7,3% du PIB).
Le Conseil mondial des voyages et du tourisme
indiquait que la contribution totale du tourisme au PIB du continent,
évaluée à 108,0 milliards USD en 2016, se situera à 178,5 milliards USD
en 2027 (soit 7,3% du PIB).
Ces chiffres traduisent la part de plus en plus
importante du secteur touristique pour les économies africaines.
Cependant, si le déficit d’infrastructures a longtemps été le principal
problème du secteur touristique africain, l’insécurité constitue
maintenant le principal défi pour les pays qui veulent faire du tourisme
l’un des piliers de leur économie.
Tourisme et terrorisme…
Avec la montée du djihadisme sur le continent africain,
plusieurs pays ont été exposés aux attaques de groupes terroristes. En
fonction de l’importance du tourisme dans leurs activités économiques,
ce secteur a été différemment touché. En 2015, les arrivées de touristes
internationaux en Afrique ont baissé de 3%, alors qu’elles étaient en
progression constante, quadruplant entre 1990 et 2014.

La Tunisie s’emploie à faire revenir les touristes.
La baisse enregistrée en Afrique en 2015 est en grande
partie liée à celle de certains pays de la région maghrébine (Tunisie,
Egypte et Maroc entre autres), qui ont connu des attaques terroristes au
cours de la même année.
Le cas du Maghreb : Tunisie et Egypte
D’après l’agence de notation Moody’s une attaque
terroriste fait perdre entre 0,5% et 0,8% de croissance à un pays. Et
cet impact pourrait être encore plus accentué dans les pays dont
l’économie accorde une part substantielle aux revenus touristiques. En
Tunisie, par exemple, le tourisme représente près de 7% du produit
intérieur brut (PIB) et emploie plusieurs centaines de milliers de
personnes.
D’après Le Monde, les attentats perpétrés par l’Etat
islamique (EI), qui ont tué 21 personnes dans le Musée du Bardo, à
Tunis, en mars, et 31 touristes, en majorité britanniques, sur une plage
de Sousse, trois mois plus tard, ont entraîné une baisse des
fréquentations touristiques de près de 30% en 2015 par rapport à 2014.
D’après l’Organisation internationale du tourisme (OIT), elles sont
passées de 7,2 millions de touristes internationaux en 2014, à 5,4
millions en 2015, s’établissant à leur plus faible niveau depuis des
décennies. Au premier semestre 2016, les fréquentations touristiques
dans le pays maghrébin ont accusé une baisse de 21,5% par rapport à
l’année précédente.

Egypte : 5 millions de visiteurs en 2016 contre près de 15 millions en 2011.
D’après les chiffres de l’office national du tourisme
tunisien, les recettes touristiques du pays sont passées d’un niveau
record de plus de 3 625 millions de dinars tunisiens, en 2014, à plus de
2 414 millions de dinars en 2015. Cette situation a eu impact sur la
croissance qui est passée de 3% en 2014, à 1,2% en 2015, puis 1,1% en
2016 d’après le FMI.
Les recettes touristiques du pays sont passées d’un
niveau record de plus de 3625 millions de dinars tunisiens, en 2014, à
moins de 2414 millions de dinars en 2015.
En Egypte, l’attentat perpétré par l’EI, le 31 octobre
2015, contre un avion de touristes partant de Charm El-Cheikh, fleuron
du tourisme égyptien, a donné un nouveau coup d’arrêt à la fréquentation
étrangère, déjà ralentie par les événements du printemps arabe. Cet
événement ayant fait 224 morts avait entraîné une suspension des vols en
provenance de Russie et de Grande-Bretagne, deux des principaux
fournisseurs de touristes du pays des pharaons. Cette situation a eu
pour conséquence d’entraîner la chute des arrivées touristiques dans le
pays à 5 millions de visiteurs en 2016 contre près de 15 millions en
2011 et 9 millions en 2015.
Cette situation a eu pour conséquence d’entraîner la
chute des arrivées touristiques dans le pays à 5 millions de visiteurs
en 2016 contre près de 15 millions en 2011 et 9 millions en 2015.
Afrique de l’Est : le cas Kenyan
Au cours des dernières années, les autorités
kenyanes ont mis en place une stratégie visant à développer le secteur
touristique à travers des investissements importants. Malheureusement,
le terrorisme, et l'insécurité en général, ont été en grande partie
responsables des faibles performances du secteur au cours de la dernière
décennie.
D’après le journal The Conversation, entre 2011
et 2017, le pays a connu en moyenne 60 attaques, menées chaque année par
différents groupes, chacun d'une ampleur variable. Ces crimes ont eu un
impact énorme sur la fréquentation touristique.
L’objectif 2030 du gouvernement visait à faire
passer le nombre d'arrivées de touristes de 1,7 million en 2012 à 3
millions en 2017. Finalement en 2017, le nombre réel d'arrivées s’est
effondré à 1,45 million.
L’objectif 2030 du gouvernement visait à faire passer
le nombre d'arrivées de touristes de 1,7 million en 2012 à 3 millions
en 2017. Finalement en 2017, le nombre réel d'arrivées s’est effondré à
1,45 million.
D’après le docteur Steven Buigut, professeur d’Economie à l’American University de Dubai, « il y a une réduction d'environ 2508 visiteurs par an pour chaque décès [lié au terrorisme, ndlr] » au Kenya. Et d’ajouter, « cela
se traduit par une perte d'environ 157,1 millions de shillings kenyans
(environ 1,5 million de dollars US) de recettes touristiques par an pour
chaque décès ».

Entre 2011 et 2017, le Kenya a connu en moyenne 60 attaques par an.
Dans un pays où le tourisme représente plus de 9% du
PIB, ces chiffres prouvent l’impact grandissant des attentats
terroristes sur la santé de l’économie. Et l’attentat mené en janvier
dernier par les djihadistes Shebabs et ayant fait au moins quinze morts
dans un complexe hôtelier à Nairobi, pourrait avoir de nouvelles
répercussions sur les activités touristiques du pays.
En Afrique centrale : Boko Haram et le Cameroun…
Au Cameroun, les incursions répétées du groupe
Boko-Haram depuis 2013 dans l’extrême-nord du pays, région la plus
prisée par les touristes, a plombé les performances et les perspectives
du secteur touristique camerounais. D’après Africa 24, les
fréquentations touristiques dans le pays en 2015 auraient baissé de plus
de 50% par rapport à 2014. D’après les statistiques gouvernementales,
le taux d’occupation de certains hôtels au Cameroun, est passé de 90% à
30% en 2014 suite aux attaques de Boko-Haram.
D’après les statistiques gouvernementales, le taux
d’occupation de certains hôtels au Cameroun, est passé de 90% à 30% en
2014 suite aux attaques de Boko-Haram.
« Nous avons été obligés de mettre plus de la
moitié du personnel en congés technique, parce que nous sommes
incapables au regard de la chute des activités, de les garder tous et de
les payer régulièrement comme par le passé » confiait un promoteur d’hôtels camerounais, au quotidien Investir au Cameroun.
L’Afrique de l’Ouest
La région ouest-africaine a également vu son secteur
touristique touché de plein fouet par les attaques de groupes
terroristes notamment au Nigeria, Mali, Burkina-Faso ou encore en Côte
d’Ivoire.

Burkina Faso : « 2900 réservations de chambres, onze congrès internationaux et des festivals ont été annulés »
En 2015, l’UEMOA indiquait que l’activité touristique
dans la région avait chuté 6% par rapport à l’année précédente. D’après
plusieurs experts, ce recul du flux de touristes est lié au contexte
sécuritaire après les différentes attaques terroristes. Au cours de la
même période, les recettes touristique ont chuté de 3% pour se situer à
920 millions $.
Suite aux attaques terroristes au Burkina-Faso, « 2900 réservations de chambres, onze congrès internationaux et des festivals ont été annulés »
déclarait en 2016 au journal Le Monde Abdoulaye Sankara, président du
comité burkinabé de coordination du programme de développement du
tourisme.
Suite aux attaques terroristes au Burkina-Faso,
« 2900 réservations de chambres, onze congrès internationaux et des
festivals ont été annulés.»
Cette vague terroriste a d’ailleurs commencé à se
propager plus loin, jusqu’aux pays du golfe de Guinée. Le 1er mai
dernier, deux touristes français étaient enlevés au parc de la Pendjari,
dans le nord du Bénin, qui avait toujours été épargné par les groupes
terroristes jusque-là. Même si les deux otages ont été délivrés plus
tard, au Burkina-Faso, la catégorisation en « zone rouge », du parc de la Pendjari, joyau de l’industrie touristique du pays, aura un impact majeur sur le tourisme béninois.
Les réponses des Etats
Dans certains pays, le renforcement des systèmes
sécuritaires liés aux sites touristiques s’est accompagné de campagnes
publicitaires soutenues.
En Tunisie par exemple, le gouvernement est allé
jusqu’à prévoir des affichages dans les rues de Moscou à l’occasion de
la Coupe du monde 2018 en Russie. Ces différentes stratégies ont permis
faire monter les arrivées touristiques à 8,3 millions de visiteurs, soit
une progression de 17,7% par rapport à 2017. Le retour des touristes
français (dont les arrivées ont crû de 37% au cours de la même année),
russes et allemands ont amené le gouvernement à tabler sur des arrivées
record de 9 millions de touristes en 2019. En Egypte, Côte d’Ivoire ou
au Maroc, la tendance est également à la hausse.

Miser davantage sur la promotion du tourisme intra-africain pour moins dépendre de la sur-réaction du tourisme étranger.
En Afrique subsaharienne, la résurgence des attaques
terroristes a entraîné la création du groupe G5 Sahel, dont la stratégie
à la fois sur le plan sécuritaire, économique et social vise à
exterminer la menace terroriste. D’autres pays moins touchés ont déployé
des stratégies préventives, le long de leurs frontières avec des Etats
durement touchés. En Côte d’ivoire, au Bénin et au Ghana, des
patrouilles ont été envoyées le long des frontières avec le Burkina Faso
pour contrer la « menace terroriste ».
En Côte d’ivoire, au Bénin et au Ghana, des
patrouilles ont été envoyées le long des frontières avec le Burkina Faso
pour contrer la « menace terroriste ».
Néanmoins le renforcement de la sécurité, la
construction des infrastructures et les campagnes de promotion
publicitaires, semblent à eux seuls inefficaces pour réduire l’impact
des attaques terroristes sur le tourisme africain. Pour certains
observateurs, la forte dépendance du tourisme africain par rapport aux
visiteurs étrangers, expose ce secteur à plusieurs risques. C’est dans
cette optique que l’UEMOA a souhaité miser sur la promotion du tourisme
au sein de son « marché intérieur ». Ceci devrait permettre aux huit pays de la région de profiter d’un marché potentiel de plus de 90 millions d’habitants.
C’est dans cette optique que l’UEMOA a souhaité miser
sur la promotion du tourisme au sein de son « marché intérieur ». Ceci
devrait permettre aux huit pays de la région de profiter d’un marché
potentiel de plus de 90 millions d’habitants.
Et avec le processus d’intégration en cours sur le
continent africain, à travers notamment la création d’un marché unique
du transport aérien, les Africains pourraient devenir les principaux
moteurs de l’industrie touristique de leur continent.
Moutiou Adjibi Nourou
Par Agence Ecofin