Aujourd'hui, 60% des chômeurs en Afrique
sont des jeunes. Ce sont des chiffres stupéfiants. Et,
précision de
taille, beaucoup de ceux qui travaillent sont sous-employés: soit en
travaillant dans le secteur informel, soit en travaillant que quelques
heures ou aidant dans les fermes familiales ou encore dans les
entreprises familiales. Ils se battent comme des entrepreneurs
«nécessiteux» de survivre, jonglant souvent avec de multiples emplois
informels.
Étant donné que l'Afrique est la
population la plus jeune du monde, l'absence d'emplois stables et
formels est un énorme facteur de risque politique et économique. Les
jeunes sans emploi sont plus susceptibles de devenir des criminels,
d’être attirés par des groupes militants et de contribuer ainsi à des
troubles politiques. Avec la rareté des opportunités économiques, le
coût de la participation à des comportements nuisibles est plus bas
qu'il ne le serait dans un autre contexte. La vulnérabilité économique
chez les jeunes contribue de manière importante à l'instabilité sociale
globale qui pénalise la croissance économique. Ce n'est pas un problème
nouveau, puisque depuis des décennies les pays africains ont eu du mal à
créer des emplois dans le secteur formel pour les jeunes.
Les mauvaises politiques entretiennent la pauvreté en Afrique
Alors, que faut-il changer pour résoudre
le problème de l'emploi des jeunes en Afrique? Le problème de la
faiblesse d'emplois dans le secteur formel pour ceux qui veulent y
travailler est à la base un problème d’implémentation de mauvaises
politiques. Dans plusieurs pays africains, l'embauche et le licenciement
sont trop coûteux. Les gouvernements créent des obstacles juridiques et
réglementaires (ou ne parviennent pas à lutter contre les normes
sociales discriminatoires) qui rendent plus difficile pour les
employeurs d'embaucher des femmes. Ils restreignent l'accès à certaines
professions ou limitent le nombre d'heures que les femmes peuvent
travailler. Ils créent également des obstacles artificiels au
licenciement des travailleurs qui ont des performances médiocres, ce qui
rend plus risqué pour les entreprises de donner une chance aux
demandeurs d’emplois inexpérimentés. Les jeunes et les femmes en sont
les premières victimes.
Comme l'indique le rapport le plus
récent sur la facilité de faire des affaires « Doing Business » : «les
économies à faible et moyen revenu ont tendance à avoir une législation
de protection de l'emploi plus rigide par rapport aux pays plus
développés». Ces «rigidités» incluent des limites à durée déterminée
pour les contrats de travail (à court terme ou peut-être à temps
partiel). Ainsi, moins de 60% des pays subsahariens autorisent les
contrats à durée déterminée (en Europe c’est encore pire!). L'obligation
légale de donner une indemnité de départ au travailleur à l’expiration
de son contrat peut aider dans certains cas, mais peut avoir des
conséquences inattendues. En effet, une telle indemnité s’ajoute aux
frais d'embauche de personnes, limitant ainsi le nombre et la durée
d'emplois formels créés.
Par exemple, en Sierra Leone, un
employeur doit payer une indemnité de départ de 132 semaines pour un
travailleur ayant 10 ans d'ancienneté. Au Ghana et en Zambie l’indemnité
dépasse plus de 86 semaines, au Mozambique elle est de 65 semaines et
en Guinée équatoriale il faut payer plus de 64 semaines. Cela signifie
que 5 des 10 pays exigeant les plus hautes indemnités de licenciement se
trouvent en Afrique subsaharienne (aucun pays développé ne se trouve
parmi le top 10).
La réforme des lois du travail pour
encourager une plus grande participation des femmes et des jeunes serait
un moyen important de promouvoir la création d'emplois formels. Il est
également essentiel d'améliorer le climat global des affaires et de
mettre en place les conditions propices qui encouragent, et non pas
découragent, la création d'entreprise et permettent ainsi à
l’entrepreneuriat de s'épanouir.
Il existe une grande marge de
progression en Afrique subsaharienne. La région continue de se classer
en queue du peloton de démarrage d'une entreprise, d'exécution d'un
contrat, d'enregistrement de la propriété, de commerce transfrontalier,
d’obtention de crédit, de protection des investisseurs minoritaires et
d'accès à l'électricité. Alors que certains pays prennent des mesures
pour rendre plus facile l’entrepreneuriat, les pays africains continuent
de le rendre trop lourd et trop coûteux la création, l’exploitation, et
la liquidation d’une entreprise. Il en résulte une pénurie d'emplois
pour tous les Africains, surtout les jeunes.
Existe-t-il un espoir d'amélioration?
Oui, tant qu’il y a l’espoir de faire
tomber les obstacles au commerce intra-africain. Dans de nombreux pays,
les industries de services se développent. Les économies dépendent
encore beaucoup de la production de matières premières (pétrole, gaz,
or, bois, etc.), mais cela est en train de changer. Des économies plus
diversifiées sont en cours d’émergence et qui contribuent à répondre aux
besoins domestiques et internationaux des consommateurs pour des biens
comme les produits agricoles transformés, les produits cosmétiques, les
textiles et les vêtements. Et les entrepreneurs africains, comme les
entrepreneurs partout dans le monde, sont à la recherche d'opportunités
nouvelles et rentables.
Si vous êtes intéressé de savoir ce que
certains des principaux entrepreneurs africains sont capables de faire?
Eh bien regarder tous ceux qui investissent dans les domaines des
télécommunications, de la mode, du marketing et de promotion de la
marque pour les multinationales de premier plan et l'industrie
alimentaire, entre autres. À mesure qu'ils réussissent, l'on peut
espérer qu’ils fassent davantage pression pour réformer les économies
africaines, créant ainsi un secteur privé plus dynamique, plus ouvert et
plus compétitif. C'est ce genre de changement qui est le plus
prometteur pour les millions de jeunes sans emploi en Afrique.
Karol Boudreaux, analyste pour
Fee.org - Article initialement publié en anglais par la Foundation for
Economic Education - Traduction réalisée par Libre Afrique - Le 6
novembre 2017.