Placé en résidence surveillée avec son épouse Grace par l'armée
zimbabwéenne depuis mardi soir,
Robert Mugabe a refusé de démissionner
jeudi. Pendant ce temps, le nouvel homme fort du pays, Emmerson
Mnangagwa, est rentré à Harare.
« Comrade Bob » tient bon. Pour l’heure, en dépit du coup de force
de l’armée et sa mise en surveillance surveillée avec son épouse Grace
par les militaires dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 novembre,
Robert Mugabe reste, sur le papier du moins, président du Zimbabwe. Un
poste que le plus vieux chef d’Etat de la planète, 93 ans, occupe depuis
maintenant 37 ans. Mais pour combien de temps encore ?
La question est sur toutes les lèvres alors que le nouvel homme fort du pays, Emmerson Mnangagwa, l’ancien vice-président zimbabwéen dont l’éviction a provoqué le coup de force
est rentré jeudi au Zimbabwe, a-t-on appris vendredi matin dans son
entourage. « Oui, il est de retour », a ainsi confirmé sous couvert de
l’anonymat une source proche des putschistes.
Une résidence surveillée moins stricte ?
Un retour que Mnangagwa espérait sans doute dans une situation plus
stable. Mais Mugabe, qui a rencontré jeudi après-midi le chef de
l’armée, le général Constantino Chiwenga, au siège de la présidence à
Harare, n’a rien cédé aux putschistes. « Ils se sont rencontrés
aujourd’hui. Il a refusé de démissionner, je pense qu’il essaie de
gagner du temps », a poursuivi la source sous le couvert de l’anonymat.
Selon un porte-parole à Pretoria, deux ministres sud-africains dépêchés par le président Jacob Zuma, fidèle soutien de Mugabe,
ont également participé à la réunion. Un prêtre catholique était
présent lors de cette réunion, rapporte également le site internet du
quotidien gouvernemental The Herald, qui a par ailleurs relayé un
communiqué de l’armée faisant état de plusieurs arrestations dans
l’entourage du président. « Nous avons mis la main sur plusieurs des
criminels, tandis que d’autres sont toujours en fuite ».
Des images diffusées par la télévision d’Etat après la rencontre ont
montré le président Mugabe en veste bleu marine et pantalon gris au côté
du général Chiwenga, tout sourire dans son treillis. Selon la
télévision, Mugabe pourrait participer vendredi à une cérémonie de
remise de diplômes à l’université, comme il l’avait fait par le passé.
Si cela était confirmé, cela laisserait à penser que les conditions de
sa résidence surveillée sont devenues moins strictes.
Le flegme des Zimbabwéens
A Harare, l’intervention des militaires a été accueillie avec flegme
par les habitants, qui ont continué jeudi à travailler ou à vaquer à
leurs occupations. Certains se sont réjouis d’entrevoir le départ du
président. « Nous espérons que le Zimbabwe sera meilleur une fois sorti
de l’ère Mugabe », a confié Tafadzwa Masango, un chômeur de 35 ans.
« Notre situation économique se dégrade de jour en jour, il n’y a plus
d’emploi, plus de travail. »
Dans l’intérêt du peuple zimbabwéen, Robert Mugabe doit démissionner, a déclaré Morgan Tsvangirai
Jeudi, plusieurs voix de l’opposition se sont fait entendre pour
exiger à leur tour son départ et une transition vers des élections
libres. « Dans l’intérêt du peuple zimbabwéen, Robert Mugabe doit
démissionner », a déclaré Morgan Tsvangirai, le chef du Mouvement pour
un changement démocratique (MDC), le principal parti de l’opposition.
« Il ne fait aucun doute qu’il nous faut un accord de transition qui
doit traiter de la reprise économique et de la réforme électorale », a
renchéri l’ex-vice-présidente, Joice Mujuru, écartée en 2014, elle
aussi, sur ordre de Grace Mugabe.
Le pasteur Mawarire prêt à discuter avec l’armée
Emblème de la fronde qui a secoué le pays en 2016, le pasteur Evan Mawarire
s’est dit prêt à discuter avec l’armée. « En tant que citoyens, nous ne
pouvons rester les bras croisés », a-t-il plaidé sur Facebook, « nous
devons participer ».
Selon les analystes, les militaires sont déterminés à sortir
rapidement de la crise. « Ils veulent que Mugabe signe sa démission au
plus vite », a expliqué Knox Chitiyo, du centre de réflexion britannique
Chatham House. « Ensuite ils veulent un président de transition, qui
serait probablement Mnangagwa ».
Quant à la communauté internationale, elle continue à suivre de près
la situation au Zimbabwe, inquiète de l’intervention de l’armée. « Nous
n’accepterons jamais le coup d’Etat militaire », a averti jeudi le chef
de l’Etat guinéen Alpha Condé, président en exercice de l’Union
africaine (UA). « Nous exigeons le respect de la Constitution, le retour
à l’ordre constitutionnel », a-t-il ajouté.
Vers un sommet extraordinaire de la SADC
Le commissaire pour la Paix et la Sécurité de l’UA, Smaïl Chergui,
s’est montré moins alarmiste. « Au moment où nous parlons, le Parlement
est toujours en fonctions et continue de travailler, le gouvernement
continue de travailler, il n’y a pas de signes de violences dans le
pays », a-t-il déclaré à Washington.
« Nous soutenons totalement les efforts de la SADC (Communauté de
développement d’Afrique australe) », a-t-il affirmé, « nous suivons
leurs efforts en temps réel ».
A l’issue d’une réunion en urgence au Botswana jeudi, la SADC, que
préside le président sud-africain Jacob Zuma, a appelé les protagonistes
de la crise « à régler les défis politiques par des moyens pacifiques »
en respectant la Constitution du Zimbabwe. L’organisation régionale a
également annoncé la tenue d’un « sommet extraordinaire urgent » à une
date à préciser.
Source: Jeune Afrique