Le conseil municipal de la capitale sénégalaise a adopté le 15
janvier une délibération permettant à la
municipalité de se constituer
partie civile dans l'affaire Khalifa Sall. Le maire de Dakar et sept
agents municipaux sont notamment poursuivis pour « détournement de
deniers publics » et « blanchiment », pour un montant d'1,8 milliard de
francs CFA.
La délibération a été adoptée, sans surprise, lors d’un
conseil municipal qui s’est tenu ce lundi. La Ville de Dakar entend se
constituer partie civile dans l’affaire dite « de la caisse d’avance »,
dont les audiences doivent reprendre le 23 janvier. En clair, la
municipalité entend être représentée devant le tribunal en tant que
victime des délits dont le maire est soupçonné.
Nouvelle stratégie de défense pour Khalifa Sall
Est-ce à dire que, par cette constitution, la municipalité
reconnaît qu’il y a eu détournement de deniers publics ? « Non », répond
catégoriquement Soham El Wardini, première adjointe au maire. « Nous
devons y aller pour défendre les intérêts des Dakarois, de la Ville et
aussi défendre notre maire dans une affaire politique », assène l’élue.
Pour Moussa Sow, conseiller municipal désigné lors de la
délibération pour représenter la municipalité devant le tribunal, « la
Ville ne peut pas être en reste dans cette affaire puisque son conseil
municipal supervise l’ensemble du processus budgétaire comme de
l’approbation des comptes administratifs. Elle doit nécessairement y
être parce que la Constitution parle clairement de “libre administration
des collectivités locales par des assemblées élues au suffrage
universel” ».
En outre, l’Acte 3 de la décentralisation permet aux
collectivités locales, désormais dotées d’une personnalité juridique,
d’intenter des actions en justice en tant que demandeur, via un
représentant qui peut être le maire de la commune ou tout autre
conseiller désigné par le conseil municipal.
Le conseil municipal entend donc pénétrer dans l’arène
judiciaire pour défendre le maire et ses agents, tout en se plaçant de
« l’autre » côté de la barre. Mais la mesure adoptée lundi a aussi un
autre objectif, non écrit : écarter l’État du prétoire. Moussa Sow
l’affirme : « Un retrait de la partie civile de l’agent judiciaire de
l’État devrait être une conséquence de fait. »
Selon l’élu, « l’État doit maintenant justifier le préjudice
qu’il a subi afin de conserver le statut de partie civile, car il n’y a
eu aucune délibération du conseil municipal lui donnant mandat de
représenter la ville dans cette affaire ».
Vers une nouvelle demande de renvoi ?
Une analyse contestée par Pape Diallo – dit Zator Mbaye –,
conseiller municipal appartenant à la majorité présidentielle et par
ailleurs ministre conseiller à la présidence : « Dans la mesure où
l’État défend les intérêts de la Ville, la mairie ne devrait pas être
autorisée à se constituer partie civile. » Seul membre de l’opposition
municipale a avoir fait acte de présence lors du vote, lundi, Zator
Mbaye insiste également sur le fait que l’État est également présumé
victime d’un préjudice, puisqu’il alimente les fonds de dotation à la
commune.

Si elle était acceptée par les juges, l’irruption de la Ville de Dakar dans le dossier pourrait également motiver une nouvelle demande de renvoi, au motif que les avocats auront besoin de s’imprégner du dossier.
Une éventualité que n’écarte par Moussa Sow : « Nous nous
attendons à un long procès, si l’on compte la bataille sur les
exceptions et la procédure avant d’arriver au fond de l’affaire »,
glisse celui qui a été chargé de porter la voix de la municipalité.
« Ils ont peur d’aller au fond ! », lançait le 3 janvier
dernier, à l’ouverture du procès, Me Yérim Thiam, avocat de
l’État, accusant la défense d’avoir « un agenda politique à gérer » et
de vouloir « ralentir la machine judiciaire ». Contactés par Jeune Afrique,
les avocats de la défense et ceux de l’État n’ont cependant pas
souhaité s’exprimer avant que la demande de constitution de partie
civile ne soit effectivement formulée à la barre.
Source: Jeune Afrique