Dans "Les leçons du pouvoir", François Hollande se montre particulièrement critique à l'égard de son successeur qu'il accuse de trahison et auquel il reproche de mener une politique fiscale injuste.
François Hollande pardonnera-t-il un jour à Emmanuel Macron de s’être
présenté à l’élection présidentielle ? L’ancien président de la
République, qui signe son grand retour dans l’arène politique avec son
livre "Les leçons du pouvoir", ne semble pas décidé à tourner la page de
la trahison de son ancien conseiller économique. En plus des passages
consacrés au départ et à l’ascension de son ministre, François Hollande
parsème son ouvrage d’attaques plus ou moins directes à l’encontre de
l’actuel chef de l’Etat – Challenges en a compté une vingtaine.
Pratique du pouvoir, double langage, ambiguïtés… François Hollande
dresse la liste des vicissitudes de celui qui l’a accompagné pendant
quatre ans au sommet de l’Etat. Entre paternalisme et amertume, critique
de la politique menée par son successeur et défense de son quinquennat,
l’ex-président de la République signe des mémoires d'opposant
politique, quelques mois à peine après avoir quitté le pouvoir.
Les 20 piques adressées à Emmanuel Macron par François Hollande dans "Les leçons du pouvoir" :
Page 14 : "Il
ne veut pas se concilier le PS. Il veut le remplacer. Avant de me
rejoindre à l’Elysée en 2012, il a été un spécialiste des
fusions-acquisitions : l’opération qu’il prépare n’est pas un rapprochement. C’est une absorption."
Page 16 : "Je
me souviens qu’au plus fort de la crise grecque, alors qu’il était
ministre de l’Economie et que son collègue Michel Sapin représentait la
France dans l’Eurogroupe, il m’avait appelé pour proposer sa
médiation. Il se faisait fort de trouver un accord entre les Allemands
et les Grecs arguant de sa compétence financière et de ses bons rapports
avec Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances. Je lui
fis remarquer que si les relations personnelles jouent leur rôle dans
une négociation, les sujets qui représentent des sacrifices pour les
peuples ou des exigences pour les créanciers ne s’effacent pas dans une
nuit d’effusion amicale."
Page 17 : "De la même
manière, il ne suffira pas de lui avoir longuement serré la main pour
convaincre Donald Trump de ratifier l’accord de Paris sur le climat.
J’avais compris le lendemain de son installation en janvier 2017 que
l’Amérique ne paierait pas pour la planète. (...) Emmanuel Macron se
fera fort ensuite de modifier la position américaine. Pour lui, une volonté clairement affirmée et beaucoup de séduction pourvoient à tout. C’est sa méthode. Qu’en dirai-je de plus ? Il a été mon conseiller. Je ne suis pas le sien."
Page 68 : "Depuis
cette signature, General Electric a essuyé de lourdes pertes et changé
son dirigeant, Jeffrey Immelt avec lequel j’avais mené les négociations.
J’avais pris soin de verrouiller l’accord et de prévoir des pénalités
en cas de non-respect des engagements pris. Il reviendra à l’Etat de
faire jouer ces clauses de sauvegarde. Il arrive que le nouveau
président doive suivre les décisions de son prédécesseur. A fortiori quand il avait encouragé à les prendre quand il était conseiller."
Page 184 : À
notre arrivée au pouvoir en 2012, "la Cour des comptes nous suggère de
réduire les dépenses de 18 milliards d’euros. C’eût été la meilleure
façon d’étouffer l’activité et d’amputer le pouvoir d’achat des
Français. Rien à voir avec la situation qu’Emmanuel Macron a trouvée en mai 2017 et qu’il connaissait bien. A
cet égard la Cour des comptes a été imprudente quand elle a évoqué des
éléments d’insincérité pour qualifier notre budget, celui de 2017."
Page 186 : "Je ne me plains pas que ces fruits péniblement acquis (ceux de la croissance), ce soit Emmanuel Macron qui les récolte.
C’est le lot de la responsabilité. D’une certaine façon, un président
prend en charge le bilan de son prédécesseur et travaille inlassablement
pour son successeur."
Page 192 : "La
"fronde" commence en octobre 2012 quand vingt députés socialistes votent
contre la ratification du traité européen de stabilité budgétaire et
que neuf d’entre eux se réfugient dans l’abstention (dont deux futurs ministres du gouvernement d’Emmanuel Macron)."
Page 233 : "Parallèlement,
nous avons fait progresser régulièrement les minimas sociaux, relevé la
prime d’activité, mis à égalité les prélèvements sur le capital et le
travail, accru de 25% l’allocation de rentrée scolaire, étendu la
"garantie jeunes", élargi l’accès à la couverture maladie universelle à
plus d’un million de personnes, revalorisé l’allocation personnalisée à
l’autonomie. Et j’entends dire que nous n’avons pas fait grand-chose. J’attends sereinement la comparaison."
Page 244 : "La
proposition de diminuer le nombre d’élus de notre pays caresse des
sentiments antiparlementaires qui ne sont pas tous élevés. Elle aurait
comme conséquence d’éloigner le député de ses électeurs et de priver les
territoires ruraux de la représentation que la République leur a
toujours accordé. Surtout si une réforme du mode de scrutin vient encore
compliquer l’exercice."
Page 248 : "C’est à cet
aune là (celle des chances supplémentaires offertes aux citoyens) qu’une
action réformatrice doit-être jugée. Pas au nombre de textes votés. Pas à l’intensité des conflits pour les faire adopter. Pas aux compliments des bien-pensants. Mais à leur inscription dans la modernisation du pays. Ce que l’on appelle le progrès."
Page 269 : "C’est
d’ailleurs un paradoxe : la loi El Khomri, qui tenait l’équilibre entre
flexibilité et sécurité a déclenché un conflit long et amer alors que,
huit mois plus tard, les ordonnances Pénicaud dénuées de toute compensation favorable aux salariés, en marquant des reculs de leur droits, susciteront un mouvement sans élan réel."
Page 273 : "La
gauche entretient la promesse d’une architecture parfaite, avec une CSG
conçue comme première tranche d’un impôt général sur tous les revenus
afin d’assurer la progressivité de l’impôt. Il y faudra du temps. Quant à
la droite, elle avait promis de détaxer les revenus financiers et de
supprimer l’ISF. Je constate qu’Emmanuel Macron a d’avantage écouté la seconde que la première."
Page 323 :
"Pour seconder Pierre-René Lemas, je parie sur Emmanuel Macron qui
accepte ma proposition. Je remarque qu’il abandonne un salaire
mirobolant chez Rothschild pour un traitement dix fois moindre auprès de
moi, ce qui plaide en ma faveur. Mais peut-être ce sacrifice était-il aussi un investissement d’avenir…"
Page 326 :
"Emmanuel Macron accepte la proposition. Il rejoint Paris en toute hâte
et dort chez Bernard Cazeneuve, au ministère de l’Intérieur, pour
éviter la meute de journalistes qui campent déjà devant sa porte. A cette époque, "le vieux monde" était pour lui accueillant et fraternel…"
Page 329 : "A
l’été 2015, le jeune ministre a pris de l’assurance et s’aventure sur
un terrain plus politique. Dans un hebdomadaire, il affirme que la
France vit dans une nostalgie implicite de la monarchie, que la
disparition du roi a laissé une place vide au sommet de l’Etat. (…) Je
mets cette idée sur le compte de son goût pour les débats d’idées. Pourtant, rétrospectivement, cette dissertation éclaire bien la pratique du pouvoir qu’il met en œuvre depuis son élection."
Page 337 : "A regret je me rends à l’évidence : il n’est retenu par rien.
Il teste nos limites et espère tenir dans cette ambiguïté le plus
longtemps possible, tant sa position au gouvernement lui donne une
visibilité avantageuse et des moyens non négligeables."
Page 339 : "A
la Mutualité, en présence d’une foule qui scande des "Macron
président !", il s’écrie : "Plus rien n’arrêtera le mouvement de
l’espoir. Nous le porterons ensemble jusqu’en 2017 et jusqu’à la
victoire !" Le doute n’est plus permis, même s’il m’assure,
imperturbable, qu’il n’a pas "personnalisé" la victoire, laquelle
pourrait donc être la mienne. Toujours cette façon de nier avec le sourire."
Page 341 : "J’ai toujours admis la compétition politique. Mais je pense qu’elle doit se livrer au grand jour et s’assumer franchement. Convenons que ce ne fut pas le cas."
Page 352 :
"Lors de notre ultime entretien le 30 août 2016 (…) il m’annonce qu’il
veut retrouver sa liberté. Je lui demande ce qu’il fera si je me
déclare. Il entre dans un développement emberlificoté sur une «offre
politique» qui exprime bien plus la gêne que l’ambiguïté. Sa non réponse
en est une. Qu’a-t-il à perdre ? Je comprends ce jour là
qu’Emmanuel Macron ne s’inscrit pas dans l’histoire de la gauche, pas
davantage dans celle de la social-démocratie, ni-même dans une
recomposition qui pourrait préfigurer une coalition progressiste. Il est
à son compte. Il a créé une entreprise : il entend la mener le plus
loin possible."
Page 352 : "Il veut jouer
jusqu’au bout la partie, sans en craindre les conséquences et sans être
retenu par quelque sentiment. Surtout pas la reconnaissance. Il a fait un pari. Il laisse à d’autres le soin d’en supporter le prix."