En Sierra Leone, l'état de grâce dure à peine trois mois. Une
centaine de jours après la formation de
son administration, Julius Maada Bio se retrouve en butte à des accusations d'autoritarisme et à l'impatience de la population.
son administration, Julius Maada Bio se retrouve en butte à des accusations d'autoritarisme et à l'impatience de la population.
Une mise en garde cette semaine du chef de la police contre certaines
critiques de l'administration Bio susceptibles de troubler l'ordre
public par leur caractère "trompeur, irrespectueux et incitatoire" à la
violence a provoqué un tollé au sein de la société civile et des médias.
Au même moment, un responsable de l'opposition, Mohamed Kamarainba
Mansaray, était interrogé par la police au sujet d'une interview
accordée la semaine dernière à une radio dans laquelle il dressait un
bilan peu flatteur des 100 premiers jours de M. Bio à la tête de ce pays
très pauvre d'Afrique de l'Ouest, gangréné par la corruption.
Julius Maada Bio, un ancien militaire putschiste qui avait rendu le
pouvoir à un président civil élu en 1996, a prêté serment le 4 avril,
après dix ans de règne du parti du président sortant Ernest Bai Koroma,
qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats.
La nouvelle administration a connu la semaine dernière sa première
manifestation, vite dispersée par la police, contre la suppression des
subventions sur l'essence, entraînant une hausse immédiate des prix.
Cette décision impopulaire, faisant partie d'un train de mesures
budgétaires présentées le 13 juillet, coïncidant avec le 100ème jour
depuis l'avènement de M. Bio, avait déjà été convenue avec le Fonds
monétaire international (FMI) avant les élections, mais avait été
différée par l'équipe sortante, selon le ministre des Finances Jacob
Jusu Saffa.
- Denrées de base hors de prix -
Dans le même document, le gouvernement a ramené la prévision de
croissance pour 2018 de 6,1 à 3,7 %, en raison essentiellement de la
cessation d'activité de plusieurs mines de fer, provoquée par la chute
des cours mondiaux.
Comme il s'y était engagé lors de sa campagne, Julius Maada Bio a
engagé une lutte vigoureuse contre la corruption et le gaspillage des
fonds publics.
A la suite de la publication le 4 juillet d'un rapport accablant sur
la "corruption galopante" sous son prédécesseur, cinq responsables de
l'administration Koroma, dont le vice-président sortant, ont été arrêtés
et inculpés.
L'ex-parti au pouvoir a dénoncé "une chasse aux sorcières" destinée à
détourner l'attention de "l'échec total" des premiers mois de la
présidence Bio.
Mais pour Andrew Lavalie, directeur de l'Institute for Governance
Reform, "la nouvelle administration est sur la bonne voie en matière de
collecte des impôts, d'électricité et de lutte contre la corruption".
Avec une inflation de plus de 15 % depuis plusieurs mois et qui ne
devrait guère baisser avant 2019, selon le gouvernement, celui-ci doit
aussi s'attaquer à l'augmentation des prix des denrées de base "qui
dévore les moyens de subsistance de la population", prévient l'analyste.
"Le riz, la farine, le sucre et même le poivre au marché sont devenus
hors de prix pour nous", soupire Hawa Bangura, une mère qui élève seule
ses trois enfants. "Parfois, nous allons nous coucher sans manger".
Ce n'est qu'à la rentrée des classes, en septembre, que
l'administration Bio peut espérer regagner en popularité, avec l'entrée
en vigueur de sa priorité absolue: l'éducation primaire et secondaire
gratuite pour tous les enfants, grâce notamment à un financement de 40
millions de dollars (environ 34 millions d'euros) de la Banque mondiale.
Et pour convaincre les familles les plus pauvres d'envoyer leurs
enfants à l'école plutôt que de les faire travailler dans la rue, le
gouvernement a prévu un programme de versement d'aide en espèces sous
condition d'assiduité.
VOA Avec AFP