Le
Président algérien a évoqué sa relation difficile avec la France dans un
entretien au Spiegel. Il reproche certains propos récents à Emmanuel
Macron et ne présage pas d’apaisement entre les deux pays dans un avenir
proche.
"On
ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les
Algériens", s’indigne Abdelmadjid Tebboune dans un entretien publié dans
le magazine allemand Der Spiegel le 5 novembre. Il n’a pas encore
digéré certains propos d’Emmanuel Macron sur son pays, en particulier
ceux du 30 septembre à l’Élysée: "Est-ce qu’il y avait une nation
algérienne avant la colonisation française?".
La déclaration, relayée par Le Monde,
avait provoqué le rappel de l’ambassadeur de l’Algérie à Paris, symbole
de relations de plus en plus tendues au cours des derniers mois.
"M.Macron
a blessé la dignité des Algériens. Nous n’étions pas un peuple de
sous-hommes, nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français
viennent", défend le chef d’État.
Il
rappelle que le Président français avait reconnu la colonisation comme
un crime contre l’humanité, et affirme donc ne pas comprendre sa
position selon laquelle l’Algérie entretient une "rente mémorielle" pour
servir à son peuple une "histoire officielle" qui "ne s’appuie pas sur
des vérités". "Il a repris le même discours que tient le journaliste et
auteur Éric Zemmour depuis longtemps", reproche-t-il.
Relations bilatérales
Toujours
auprès du Spiegel, M.Tebboune jure qu’il ne sera pas "le premier à
faire le pas" pour améliorer les relations. "Sinon je perds tous les
Algériens", justifie-t-il. Le magazine titre d’ailleurs son article
"Quand Macron appelle, il ne décroche pas. Pourquoi?".
"Aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes", répond-il.
Interrogé sur une fin de crise bilatérale "bientôt", le Président algérien
est catégorique: "Non". "C’est un problème national, ce n’est pas un
problème du Président de la République", estime-t-il. En attendant,
l’espace aérien algérien est toujours fermé aux avions français, ce qui
rend plus longs les trajets pour se rendre au Niger ou au Mali,
peut-être pour longtemps. "Peut-être que c’est simplement fini
maintenant", conclut M.Tebboune.
Historique
Le
passé colonial français en Algérie a toujours rendu les relations
difficiles entre les deux pays. Plusieurs tentatives de normalisation
dans les années 1970 et 1980 ont été réduites à néant en 2005 avec la
promulgation de la loi sur le "rôle positif de la colonisation", bien
qu’abrogée au bout d’un an. Quelques déclarations de Sarkozy puis
Hollande sur les effets néfastes de la colonisation n’ont pas non plus
suffi.
Emmanuel Macron a tenté la réconciliation via le rapport de l’historien
Benjamin Stora sur la question mémorielle, rejeté par l’Algérie en
raison de l’absence d’excuses et de reconnaissance officielle de crimes
de guerre et contre l’humanité. Les deux Présidents se targuent
toutefois de relations cordiales.
Elles ont cependant pris un nouveau coup de froid en avril 2021 lorsque
Jean Castex a annulé sa visite à Alger au dernier moment.
Depuis ses propos polémiques sur la nation algérienne, Macron a tenté un
nouveau pas en avant en dénonçant le 16 octobre des "crimes
inexcusables pour la République" lors d’une cérémonie rendant hommage
aux victimes du massacre de manifestants algériens 60 ans plus tôt à
Paris. Des propos jugés insuffisants
par certains militants et politologues algériens ainsi que par des
représentants de la gauche française. La droite dénonce de son côté une
attitude victimaire qui rabaisse le pays. Pour Benjamin Stora, "régler
de manière définitive les questions mémorielles entre la France et
l’Algérie, ce n’est pas possible".
Par sputniknews.com