Après avoir placé sous scellés les entreprises
respectant la consigne de « ville morte », imposée par
les
sécessionnistes anglophones, le maire de Buea a décidé d’interdire la
circulation des motos-taxis. Des voix s’élèvent au sein de la population
pour dénoncer ces décisions.
Cela fait près d’une semaine que Peter* a été
contraint de cesser ses activités. Ce jeune entrepreneur de 35 ans,
propriétaire d’une PME située au quartier Malingo à Buea, fait partie de
la longue liste des commerçants dont les bureaux ont été scellés par
Patrick Ekema, le maire de la ville. L’autorité municipale leur reproche
de respecter le mot d’ordre de « ville morte » imposé par les militants
sécessionnistes dans les deux régions anglophones du pays. Un mouvement de revendication pacifique, qui se répète à chaque début de semaine.
Le maire de Buea s’est en effet lancé, depuis le lundi 23 juillet
dernier, dans une lutte contre les « villes mortes » dans sa cité. Après
plusieurs mises en garde, Patrick Ekema a fait placer sous scellés les
portes des enseignes restées fermées ce jour-là.
Franck Foute pour JA
Ville fantôme
Déterminé, il a de nouveau poursuivi son action ce lundi 30 juillet
dans les quartiers qui n’avaient pas été explorés lors de sa première
descente. Ainsi, les entreprises et commerces situés à Sandpit, Bakweri
hall et autre Bonduma, ont rejoint ceux de Molyko, Malingo et UB
Junction sur la liste des établissements clos.
Si mon entreprise venait à être détruite, je ne sais pas comment je survivrai », affirme un entrepreneur
Mardi, les principales artères de la ville de Buea avaient des
allures de ville fantôme. Seules rues épargnées : celles que les maires
et son équipe n’avaient pas encore visitées, notamment celles situées à
l’intérieur des quartiers. Une situation loin d’être appréciée par la
population, qui ne manque pas de le dénoncer. « Nous ne fermons pas nos
commerces parce que nous le désirons. Mon entreprise représente
l’ensemble de mes économies. Si elle venait à être détruite, je ne sais
pas comment je survivrai », affirme ainsi Peter, la mine inquiète.
Dans les rues de la ville, les incidents survenus le 9 juillet
restent gravés dans les mémoires. Ce jour-là, cinq cars des transports
interurbains avaient été incendiés à Mile 17, le quartier où se trouve
la gare routière. S’en était suivi des affrontements entre forces de
sécurité et militants sécessionnistes, faisant plusieurs morts dans les
deux camps. Ce geste avait été attribué aux sécessionnistes, qui
réagissaient au refus de certains citoyens, ayant suivi les appels du
maire Ekema, de cesser leurs activités le lundi.
La peur des représailles persiste
« Les sécessionnistes n’attaquent pas la population. Mais si vous ne
respectez pas ce qu’ils vous disent, vous subirez des représailles »,
explique à Jeune Afrique un journaliste sous couvert d’anonymat.
Intransigeant, Patrick Ekema promet cependant de poursuivre ses
descentes dès le lundi 6 août prochain, avec la reprise de l’opération
« ville morte ». Le maire de Buea a par ailleurs décidé d’interdire la
circulation des motos-taxis, « pour des raisons sécuritaires »,
explique-t-il. S’il a levé le mardi 31 juillet les mises sous scellés,
permettant ainsi à des PME qui n’avaient pas pu reprendre leurs
activités depuis la semaine dernière de rouvrir le mercredi matin, les
motos-taxis manquaient néanmoins toujours à l’appel. « Ces décisions ne
peuvent pas arranger la situation, sinon plonger d’avantage les
populations dans les difficultés », affirment une vendeuse du marché de
Buea.
Des pertes de 5 à 50 %
Le coût économique de la crise sociopolitique qui affecte les régions
anglophones du Cameroun depuis bientôt deux ans n’a pas encore été
établi. Certaines entreprises refusent de communiquer leurs pertes
éventuelles. Les spécialistes s’accordent cependant à dire que
l’économie de ces zones en est fortement impacté. Le président du
Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), Célestin Tawamba,
a récemment parlé d’une perte de 5 % pour certains établissements
bancaires et jusqu’à 50 % pour des entreprises de distribution.
À la Cameroon Development Corporation (CDC), une entreprise
agro-industrielle – premier employeur de la région – la production de
bananes est passée de 26 840 tonnes au premier trimestre 2017 à 11 631
tonnes seulement à fin mars 2018.
*le prénom a été modifié
Source: jeune afrique