La multinationale américaine a mis au point un montage fiscal passant par les Pays-Bas, Singapour,
l’Irlande et les Bermudes.
l’Irlande et les Bermudes.
Alors que les Européens ne parviennent toujours pas à se mettre
d’accord sur la fiscalité des multinationales du numérique, Google en
profite. Le moteur de recherche a poursuivi tranquillement sa stratégie
d’optimisation fiscale en 2017, en déplaçant artificiellement
19,9 milliards d’euros de profits vers les Bermudes, un paradis fiscal
où il bénéficie d’une fiscalité quasi nulle.
Ces
chiffres sont issus des comptes annuels de la société sise aux Pays-Bas,
Google Netherlands Holding, déposés à la Chambre de commerce
néerlandaise à la fin de l’année 2018 et rendus publics par le quotidien
financier néerlandais FD mercredi 2 janvier. La multinationale
américaine utilise depuis des années un montage fiscal complexe connu
sous le nom de « double sandwich irlandais-néerlandais ». En recourant à
des sociétés-écrans sans employés domiciliées en Irlande, à Singapour,
aux Bermudes et aux Pays-Bas, Google « aspire » une partie substantielle
des profits qu’il réalise à travers le monde (y compris en France) et
les déverse aux Bermudes, où il n’est soumis à aucun impôt sur les
bénéfices.
Si ces 19,9 milliards de profits avaient
été imposés au taux normal de 12,5 % en vigueur en Irlande, Google
aurait dû payer 2,5 milliards d’impôts supplémentaires. Et encore plus
si ces bénéfices avaient été fiscalisés dans les pays où ils ont été
réalisés.
Un montage légal… jusqu’en 2020
Le
tour de magie est d’autant plus impressionnant qu’il est réalisé en
toute légalité, comme le rappelle Google à chaque interpellation
publique sur sa stratégie fiscale : « Nous payons toutes les taxes
que nous devons et nous conformons aux règles fiscales de tous les pays
dans lesquels nous opérons à travers le monde. » Le montage repose
toutefois sur une faille volontairement introduite par l’Irlande dans sa
législation, que Dublin a été contraint de « réparer », sous la
pression de l’Union européenne et des Etats-Unis… à compter de 2020.
Google dispose donc encore d’un an pour rentrer dans le rang, ou trouver une nouvelle stratégie fiscale.
Il
est impossible de savoir combien Google aurait dû payer d’impôts en
France s’il n’avait pas recouru à ce stratagème, car la multinationale
ne publie pas le détail de ses résultats pays par pays. Il est toutefois
indéniable que la France est touchée de plein fouet par les pratiques
d’optimisation fiscale des géants du numérique. Malgré un chiffre
d’affaires substantiel réalisé grâce au marché français, Google paie en
France un impôt sur les bénéfices ridicule, compris chaque année entre
7 millions et 14 millions. L’administration fiscale a bien tenté en 2014
de lui infliger un redressement fiscal record de 1,1 milliard d’euros,
mais Google a réussi à faire annuler la sanction en justice.
Les
Etats européens discutent depuis des années de la manière d’imposer aux
GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) une taxe spécifique pour
compenser ces pratiques d’optimisation fiscale. Mais les discussions achoppent en raison des divergences entre les capitales.
Le gouvernement français a donc annoncé qu’il introduirait très
prochainement sa propre taxe nationale. Concentrée sur les revenus
publicitaires et donc ciblée sur Google et Facebook, elle est censée
rapporter 500 millions d’euros en 2019.