Jacob Rothschild a
adressé son traditionnel message aux investisseurs du fonds RIT Capital
Partners
dont il est le fondateur. Il y présente les résultats financiers du fonds mais surtout ses idées sur l'état des affaires politiques et économiques mondiales.
dont il est le fondateur. Il y présente les résultats financiers du fonds mais surtout ses idées sur l'état des affaires politiques et économiques mondiales.
Le
fonds RIT Capital Partners est le «sommet de l'iceberg» de l'empire
privé de cette famille célèbre du monde de la finance, et fait partie
des rares structures de Rothschild dont les résultats financiers sont
connus du grand public. C'est également, en quelque sorte, la vitrine de
l'efficacité économique de Jacob Rothschild: depuis 1998, ce fonds
d'investissement a affiché un rendement total de 2.400%. Toute autre
structure financière envierait un tel résultat, et en raison de la
réputation spécifique de la famille contrôlant le fonds, les messages de
Rothschild sont écoutés avec intérêt dans le monde entier. Seuls les
investisseurs du banquier reçoivent ses lettres, mais tôt ou tard elles
se retrouvent tout de même dans la presse, puis RIT Capital Partners les
publie simplement sur son propre site.
La lettre datant du 30 juin 2018 dévoile l'attitude assez sceptique
de la direction du fonds vis-à-vis du «rétablissement sans précédent» de
l'économie mondiale après la crise financière mondiale et ses craintes
quant au sort de l'ordre mondial si favorable pour les affaires de la
famille jusqu'à présent.
Jacob Rothschild, qui a notamment pour partenaires d'affaires des
personnalités comme Warren Buffet et Henry Kissinger, pointe depuis
longtemps la vulnérabilité de l'économie mondiale et critique activement
les agissements des banques centrales occidentales qui ont remédié aux
conséquences de la crise financière mondiale en faisant marcher la
planche à billets. En 2016, il écrivait que les banques centrales
organisaient «la plus sérieuse expérience de politique monétaire» de
toute l'histoire de l'humanité, et soulignait que personne ne pouvait
prédire les «conséquences non prémédités» de cette expérience.
Pour
compléter le tableau, Rothschild a déclaré aux investisseurs qu'à cause
des risques élevés il jugeait nécessaire de s'occuper avant tout de la
préservation des capitaux et de ne pas se préoccuper du rendement à
court terme des investissements dans le fonds. L'analyse des lettres de
Jacob Rothschild et de la comptabilité de RIT Capital Partners ces
quatre dernières années permet de tirer plusieurs conclusions
intéressantes: de facto, le fonds a prédit le résultat du référendum sur
la sortie du Royaume-Uni de l'UE en vendant au préalable ses actifs en
livres. De plus, dans sa lettre de 2016, Rothschild annonçait à ses
investisseurs que la présidentielle américaine serait «particulièrement
stressante», tandis que les sondages et pratiquement tous les experts
promettaient une victoire confortable à Hillary Clinton.
Curieusement, Donald Trump et Jacob Rothschild critiquent l'état de
l'économie occidentale pratiquement dans les mêmes termes, sauf que
l'aristocrate britannique n'est manifestement pas emballé par les
actions du Président américain. Il convient de souligner également qu'en
faisant abstraction de l'origine des critiques, le principal reproche
formulé par le dirigeant de RIT Capital Partners vis-à-vis des marchés
financiers occidentaux coïncide à la virgule près avec celle formulée
par certains experts russes, accusés de «parti pris par rapport aux
perspectives des USA».
Le reproche est simple: une bulle financière classique est gonflée
sur les marchés américains, et le prix des actifs américains, des
actions aux obligations en passant par la monnaie, est surélevé. Dans
les périodes particulièrement dangereuses, par exemple en 2016, quand,
selon Rothschild, le monde se trouvait dans la situation la plus risquée
«depuis la Seconde Guerre mondiale», son fonds a même converti une
partie de ses actifs en or.
En 2016, Rothschild écrivait aux investisseurs qu'il était préoccupé
par «l'agression et l'expansion russe». Il déclare aujourd'hui être
inquiet du risque auquel est confronté l'ordre mondial. Ce risque étant
que, contrairement aux anciennes crises lors desquelles les grandes
puissances coopéraient entre elles d'une manière ou d'une autre, cette
fois leur coopération «paraît bien plus difficile». C'est une allusion
directe au fait que le jeu à qui perd-gagne et les spectacles pour le
public sont terminés, et qu'un véritable conflit a commencé entre les
pôles de force mondiaux. Pas étonnant que Jacob Rothschild soit inquiet.
Cependant, dans cette même lettre, on voit qu'il mise tout de même sur
la victoire de la Chine, ou du moins sur un match nul bénéfique à Pékin:
«Dans ce contexte, nous prenons conscience du potentiel économique en
Asie, notamment en Chine, ainsi que du potentiel de développement des
innovations et des technologies», écrit-il, en expliquant aux
investisseurs sa tactique et sa stratégie pour cette période qu'il
qualifie lui-même d'«imprévisible».
Si l'on se penche sur la liste concrète des actifs dans lesquels
investit le fonds RIT Capital Partners plutôt que de se fier aux seules
déclarations retentissantes, l'image de sa tactique et de sa stratégie
devient encore plus intéressante. Il s'avère que le fonds Rothschild
investit effectivement beaucoup d'argent en Asie: dans son portefeuille
se trouvent des investissements dans d'autres fonds spécialisés dans les
actifs chinois, japonais et indiens. Sans oublier les compagnies
américaines: le fonds préfère essentiellement investir dans celles qui
travaillent dans les technologies de l'information (par exemple, il a
beaucoup investi dans le service populaire Dropbox et dans le groupe
Alphabet-Google), les biotechnologies de pointe, ainsi que les routes
ferroviaires des USA (en d'autres termes, il mise sur l'infrastructure).
Il aurait pu sembler qu'après 2016, quand Rothschild était très déçu et
inquiet du comportement de la Russie sur la scène internationale, les
actifs russes avaient cessé d'être attractifs pour ses investissements,
mais ce n'est pas tout à fait vrai. En regardant «sous le capot» du
fonds BlackRock Emerging Markets Fund, où a été également investi
l'argent de RIT Capital Partners, on trouve notamment des actions des
compagnies russes Sberbank et Novatec.
Et s'il y a bien une chose qui manque à la géographie des
investissements de Jacob Rothschild, c'est bien l'Ukraine — alors que
ses parents proches coopèrent depuis longtemps avec le Président
ukrainien. Manifestement, le patriarche des financiers britanniques soit
ne croit pas aux perspectives d'investissement de la jeune démocratie
ukrainienne, soit ne juge pas utile de s'y intéresser.
Difficile de ne pas être d'accord avec l'approche du fonds de
Rothschild en matière d'investissements: miser sur l'économie numérique à
travers les technologies de l'information, sur les biotechnologies et
l'énergie traditionnelle (le portefeuille du RIT Capital Partners
contient de nombreux investissements indirects dans les compagnies
pétrolières) est un bon choix des priorités pour survivre et même
prospérer dans les conditions de turbulence et d'incertitude globale.
Dans ce sens, la Russie est un pays d'opportunités uniques. D'un côté,
elle possède le potentiel pour les percées technologies, de l'autre
c'est effectivement une superpuissance énergétique. Et c'est une bonne
chose que Rothschild soit si préoccupé par la fracture de l'ordre
mondial et par l'expansion russe. L'ordre mondial actuel peut et doit
même être brisé, et il existe une chance historique réelle pour cela.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.
Source: fr.sputniknews.com