Camerounaises, Camerounais, Chers compatriotes,
Le 07 octobre
dernier, vous avez exprimé courageusement le choix de l’avenir et de la
modernité en portant majoritairement vos suffrages sur ma personne. En
attendant les jours bénis où mes alliés et moi-même viendrons à votre
rencontre pour vous témoigner notre reconnaissance infinie, je voudrais
dès à présent, vu les
circonstances, vous exprimer ma très profonde
gratitude pour l’honneur et le privilège qui me furent ainsi faits. Je
vous l’avais dit : Ensemble c’est possible. Mais comme vous le savez,
votre choix n’a pas été respecté par les tenants du pouvoir et les
institutions à leur solde ; en sorte que cet événement qui est
assurément l’un des plus marquants de notre histoire politique récente a
accouché d’une crise post-électorale. Celle-ci a conduit, dans un
déchaînement de haine sans précédent, à l’arrestation et la détention
illégales de près de 200 militants et sympathisants de notre parti, le
Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), de Camerounais sans
engagement politique, des leaders d’organisations alliées et moi-même.
Voici donc plus de 3 mois que nous sommes emprisonnés illégalement pour
avoir manifesté de manière absolument pacifique, pour dénoncer le refus
par le gouvernement de faire la paix dans les régions anglophones du
Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le non-respect du choix de la majorité des
électeurs Camerounais lors du scrutin présidentiel du 07 octobre 2018 et
l’inaction du pouvoir face au pillage de la fortune publique dans le
cadre de la préparation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2019)
dont l’organisation a finalement été retirée au Cameroun, au grand
déshonneur national.
Depuis notre arrestation et notre
emprisonnement, vous avez fait témoignage d’une solidarité
exceptionnelle et exemplaire : vous êtes venus nombreux nous rendre
visite à nos divers lieux de détention préventive et d’emprisonnement,
lorsque à force de persévérance, l’autorisation vous en a été accordée ;
vous vous êtes rendus
massivement aux rares audiences devant les
tribunaux de Yaoundé pour nous encourager de vos gestes, vos sourires,
vos chants courageux, audacieux. Même si à chaque fois, des rideaux
d’hommes armés et en posture de combat vous ont maintenus fort éloignés
de notre itinéraire, je vous ai aperçus à chacun de nos passages, et
croyez-moi, j’en ai été ému.
Face à la situation sécuritaire et
humanitaire, politique, économique et sociale explosive dans laquelle M.
BIYA a plongé notre pays, le Communauté internationale vient de tirer
la sonnette d’alarme en invitant le pouvoir à respecter les droits
fondamentaux des Camerounais, à libérer les otages que constituent les
quelques 200 personnes arrêtées et jetées en prison, et à organiser un
dialogue inclusif pour régler en particulier la crise meurtrière qui
sévit dans les régions anglophones. De même, la Communauté
internationale a indiqué l’impérieuse nécessité de la réforme
consensuelle du système électoral avant la tenue de toute nouvelle
élection. J’apprécie à sa juste valeur cette prise de position qui
rejoint en plusieurs points les revendications formulées depuis quelques
années déjà par le MRC.
En effet, nul n’ignore nos positions et
propositions réitérées au sujet de la crise dans les régions anglophones
: nous sommes opposés depuis toujours à toute idée de sécession ;_ j’ai
donné le meilleur de moi-même pour récupérer des parties du territoire
camerounais dans le Lac Tchad et dans la péninsule de Bakassi pour
m’accommoder d’une telle perspective funeste. Mais une fois que l’on
convient que la sécession n’est pas une option, nous avons rappelé, dès
le lancement de notre parti en 2012, qu’il y a un problème anglophone au
Cameroun et qu’il doit être résolu par le dialogue. J’ai réitéré cette
position le 25 juin 2016 lors de mon meeting à Bamenda, puis le 10
décembre 2016 à mon meeting de Ngaoundéré.
Plus récemment, en
novembre 2018, face à l’escalade dans cette crise qui s’est transformée
en un conflit armé très meurtrier et dans le cadre duquel sont commises
de nombreuses atrocités, j’ai proposé une solution articulée comme suit :
négociation d’un cessez-le-feu ; désarmement, démobilisation et
réinsertion (DDR) des combattants ;_ mise sur pied d’une Commission
Vérité Justice et Réconciliation ;_ organisation d’un dialogue national
inclusif pour discuter sans tabou et dégager les solutions idoines à la
crise et à la refondation de notre Etat. Ces propositions se sont
toujours heurtées au mutisme du pouvoir en place qui préfère s’enfermer
dans l’option d’une solution militaire qui, hélas !, ne fait
qu’alimenter l’escalade. Par des raccourcis hasardeux, on compare la
situation des Anglophones du Cameroun à celle de la Catalogne en
Espagne, quand on ne rappelle pas la guerre contre des projets de
sécession aux Etats-Unis ou en Irlande du Nord.
Il suffit de
rappeler qu’en Espagne, la Catalogne bénéficie, comme d’autres régions
espagnoles, d’un statut autonomique équivalent au fédéralisme ; or, les
régions anglophones pas plus qu’aucune autre, ne jouissent de la moindre
autonomie, et le pouvoir camerounais, adepte d’un centralisme d’un
autre âge, est allé jusqu’à interdire l’usage du mot « fédéralisme »
dans les médias. Quant aux guerres contre la sécession, ni la majorité
des Camerounais, ni la Communauté internationale ne sont favorables à la
partition de notre pays. Les représentants du pouvoir en place font
donc l’amalgame et agitent ces exemples pour créer la confusion et
refuser le dialogue. Un autre argument spécieux est de dire qu’il n’y a
personne en face avec qui négocier. Il n’y a pas lieu d’élaborer
longuement sur ce point. Que l’on donne donc une chance à la All
Anglophone Conference (AAC) que le Cardinal Christian TUMI et d’autres
essaient d’organiser depuis un certain temps et se heurtent
malheureusement à l’opposition du gouvernement camerounais. Cette
initiative pourrait être une pierre utile à la construction du dialogue
inclusif auquel la situation du pays nous invite.
En ce qui concerne
l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, les partisans du régime
prétendent qu’après la proclamation des résultats par le Conseil
constitutionnel, il n’y a plus lieu de les contester. Selon eux, nous
devons nous soumettre à ce verdict. Ils oublient trop vite – et je les
comprends – qu’il s’agit d’un verdict erroné rendu par une institution à
la fois illégale et illégitime en ce que sa composition viole
manifestement les textes qui l’organisent et la régissent. Nous avons
démontré sans conteste que 10 des 11 membres du Conseil constitutionnel
sont membres du RDPC, le parti de M. BIYA, dont ils font par ailleurs
partie des instances dirigeantes, le 11e membre étant du SDF. Plusieurs
d’entre eux occupent d’autres fonctions incompatibles avec la qualité de
membre du Conseil constitutionnel. Sur cette base, nous avions fait un
recours en récusation et en suspicion légitime, mais nous nous étions
heurtés au rejet du Conseil constitutionnel. Quant à l’argument selon
lequel nous n’aurions pas gagné l’élection parce que nous n’aurions pas
assez de procèsverbaux (P.V.) des résultats issus des bureaux de vote et
que de toute façon nous ne les avons jamais présentés au public, il est
simplement spécieux.
Je réitère que nous sommes prêts à présenter
nos P.V. à tout moment dans le cadre d’un recomptage des votes. Au
demeurant, le RDPC lui-même n’a jamais présenté les P.V. prouvant la
victoire de M. BIYA, ni au Conseil constitutionnel, ni en aucun autre
lieu. Nous avons démontré à suffisance devant ledit Conseil, sur la base
des prétendus P.V. d’Elecam qui seuls font foi, toutes les
irrégularités qui entachaient les résultats consolidés par la Commission
Nationale de Recensement des votes. Je rappelle que le total des
résultats des 8 candidats, en valeur relative, était supérieur à 100% !
Que nous reproche-t-on donc ? De contester des résultats faussés à tous
les niveaux, et qui ne reflétaient pas les P.V. sortis des bureaux de
vote et de montrer qu’ils étaient le produit de tableaux Excel générés
par des informaticiens à la solde du régime ? Non ! je ne vais pas
m’excuser d’avoir gagné l’élection présidentielle du 07 octobre 2018 et
de dénoncer le détournement du choix démocratique de la majorité des
électeurs camerounais en ma faveur.
Pour le reste je n’ai jamais
cessé de dire ma disponibilité au dialogue. On a fait courir le bruit
que j’aurais été approché par les tenants du pouvoir. Je voudrais vous
dire ici solennellement que cela est faux. Ni hier, ni aujourd’hui je
n’ai jamais été approché par qui que ce soit, en dépit de ma main
tendue.
En transformant la crise post-électorale née d’un
détournement inacceptable du choix démocratique des électeurs
camerounais lors de la dernière présidentielle en une traque policière
sauvage, une répression judiciaire grotesque et un règlement de compte
administratif brutal et cynique, le régime de M. BIYA croit pouvoir
ainsi se débarrasser à trop bon compte d’un problème épineux qui
projette une lumière crue sur l’impossibilité de la démocratie au
Cameroun dans les conditions actuelles.
Ce régime croit que la
prison peut tout régler. Or, même la mort ne peut tout régler. On
n’enferme pas l’esprit. On n’enferme pas une cause ; celle-ci se nourrit
de la prise de conscience des gens, croît indépendamment de l’esprit
qui l’a identifiée et poursuit d’elle-même son chemin jusqu’à son
accomplissement. En même temps que je vous exhorte à faire grandir la
cause de notre lutte commune, je voudrais vous rassurer de ma
détermination à mener le combat pour la liberté et la démocratie, la
restauration de la dignité des Camerounais, le développement inclusif et
le prestige de notre pays.
Depuis notre arrestation et notre
emprisonnement, notre parti, le MRC, qui a toujours été combattu par
l’Administration territoriale depuis sa naissance, est confronté à de
nouvelles épreuves qui menacent son existence même. Cible d’attaques et
de la haine tribaliste orchestrées par le régime BIYA, il fait désormais
l’objet d’une interdiction de fait. En effet, le Ministre de
l’Administration Territoriale a interdit formellement et informellement
toutes ses activités à travers le pays, notamment les réunions et
manifestations publiques dûment déclarées conformément à la loi, les
travaux d’intérêt général au bénéfice des populations tels que le curage
des caniveaux et le nettoyage de la broussaille dans les quartiers
initiés par ses militants, les inscriptions massives de nouveaux
adhérents au siège national et aux sièges locaux du parti, la création
et l’installation des nouvelles Unités du parti dans diverses localités.
Tous les recours intentés devant les juridictions compétentes aux fins
de l’annulation de l’acte irrégulier d’interdiction du Ministre ont
essuyé le rejet, au motif qu’ils sont sans objet, alors même que sur la
forme, ledit Ministre est incompétent pour prendre un tel acte, celui-ci
relevant de la compétence des Sous-préfets, et que sur le fond, l’acte
contesté viole manifestement la loi n° 90/055 du 19 décembre 1990 fixant
le régime des réunions et des manifestations publiques. Mais je puis
vous assurer que le MRC ne se laissera pas prendre en otage par un
régime enragé du fait de l’exposition aux yeux du monde de ses
turpitudes qu’il avait si bien su camoufler jusque-là. Qu’il soit
entendu une fois pour toutes que nous ne nous laisserons pas écraser par
la dictature villageoise instaurée dans le pays.
D’ores et déjà, en
raison de cette interdiction de fait qui frappe notre parti, mais aussi
du sang qui continue de couler inutilement dans les régions anglophones
du NordOuest et Sud-Ouest en dépit des cris de détresse des populations
civiles et des appels unanimes au dialogue, j’annonce que le MRC ne
prendra pas part à la mise en scène du 20 Mai. Cette date à laquelle on
est censé commémorer la fête de l’Unité de notre pays tend à perdre,
dans le contexte actuel, sa force symbolique. En 37 ans de règne sans
partage, M. BIYA a malheureusement réussi la prouesse de la rendre vide
de sens politique, en raison de son instrumentalisation permanente des
différences culturelles par un tribalisme d’Etat assumé et l’exclusion
des populations de la gestion de leur destin.
Son régime a
déconstruit une jeune nation en formation dont les jalons furent jetés
dans des conditions difficiles par Ahmadou Ahidjo, et l’a réduite en une
juxtaposition d’ethnies dont je conjurai l’augure il y a plusieurs
années déjà. Comme jamais, notre pays est aujourd’hui divisé par les
murs des replis identitaires, emprisonné par des haines ethniques
tenaces et menacé d’implosion. La partie septentrionale contraste avec
le reste du pays par un état de pauvreté abjecte entretenue par le
régime avec la complicité d’une élite féodale, et est meurtrie dans sa
région extrême par la guerre de la secte islamiste Boko Haram. Et je
passe l’insécurité endémique dans les ré gions de l’Adamaoua et de
l’Est, et des débordements de la guerre dans le Nord-Ouest et le
Sud-Ouest dans les régions francophones de l’Ouest et du Littoral.
Quelle « Unité » fêtera-t-on donc le 20 Mai prochain ?
Chers compatriotes,
J’ai découvert à travers les médias que M. BIYA serait devenu un adepte
des réseaux sociaux et écrirait forces tweets au peuple camerounais
pour en appeler à son patriotisme. Je sais que vous êtes nombreux à vous
interroger sur cet élan subit d’un homme qui a fondé son pouvoir sur le
mépris des Camerounais, l’indifférence à leurs problèmes, et un
désintérêt choquant pour les merveilles de son pays où il n’a jamais
passé ses vacances, préférant l’Hôtel Intercontinental à Genève et les
douceurs des bords du Lac Léman. J’aimerais tant l’amener découvrir
l’incomparable beauté de Rhumsiki et son Pic célèbre, de Poli et ses
plaines paisibles bouclées par un collier de montagnes, des plateaux de
l’Adamaoua où des troupeaux dodus paissent paisiblement dans la lande,
de la douceur des hautes terres du Nord-Ouest qui rappelle cette Suisse
qu’il aime tant, de la majesté de la forêt primaire de Korup et ses 13
espèces ornithologiques endémiques, de la féerie de Rio del Rey à
l’heure où les cormorans s’envolent le long de ce boulevard marin dont
les eaux emportent les miasmes du pays vers l’infini de la mer.
Connaît-il Bimbia, lieu de mémoire de la tragédie primordiale ? J’aurais
bien voulu l’amener à tant d’autres lieux de ce pays qu’il connaît
manifestement mal, pour n’avoir visité en 37 ans que moins de dix
départements sur les 58 que compte le Cameroun.
Il ne peut y avoir
de patriotisme sans attachement à la fois au socle territorial de la
patrie et aux populations qui peuplent le pays. A cet égard, il m’est
particulièrement pénible de constater que M. BIYA n’a jamais mis les
pieds dans les deux parcelles emblématiques du territoire national
arrachées de haute lutte après 8 ans et demi de procédure devant la Cour
Internationale de Justice (CIJ) de La Haye et environ 9 ans de mise en
œuvre laborieuse de la décision au fond de cette haute juridiction
mondiale : je veux parler de la zone du Lac Tchad d’environ 1 000 km2 où
se trouve la grande île de Darak, et de la péninsule de Bakassi, la
plus connue, qui couvre environ 1 000 km2 également.
En ce qui
concerne les populations camerounaises, M. BIYA a mis une telle distance
entre lui et les Camerounais de toutes les régions qu’on se demande
quel peuple il prétend gouverner. Il est avéré aujourd’hui, que l’idée
d’intégration nationale qu’il lança furtivement au début de son long
règne avant de l’abandonner tout aussi rapidement, n’était qu’un de ses
multiples leurres. De fait, il a fondé son pouvoir sur la division des
Camerounais et le tribalisme orchestré et entretenu. Non seulement il
n’a jamais fustigé officiellement et de façon non équivoque ce fléau qui
menace dangereusement l’avenir de notre pays, il n’a jamais non plus
désavoué les membres de ses gouvernements successifs qui ont tenu à
diverses occasions des discours d’un tribalisme haineux, ni fait passer
une législation tendant à réprimer un tel fléau, alors que son parti
détient une majorité écrasante au parlement depuis près de quarante ans.
Le recours soudain de M. BIYA au patriotisme des Camerounais est une
tentative désespérée d’un régime en perdition, qui tente de rejeter ses
échecs sur les partenaires extérieurs de notre pays : Nationalisme
étriqué, raciste et xénophobe, voilà où l’on veut nous amener, nous
peuple ouvert et accueillant. C’est une vieille ficelle des dictatures
en déroute que de chauffer le sentiment nationaliste. Mais le
patriotisme n’est et ne saurait être ni un racisme, ni une xénophobie.
C’est le senti ment indéchiffrable et le lien invisible qui unissent
dans la tension vers un même idéal les membres d’une communauté
nationale, non pas par exclusion des étrangers, mais le cas échéant avec
leur accompagnement. Il repose sur un attachement vécu et assumé à son
pays et l’amour des femmes et des hommes qui y vivent, dans un
vivre-ensemble fondé sur la tolérance et nourri par des références de
valeurs communes. J’ai toujours pensé qu’on ne devrait pas s’engager en
politique si l’on n’aime pas les gens.
Mon entrée en politique était
et demeure habitée par trois ambitions primordiales : rassembler les
Camerounais dans la fraternité républicaine; mettre un sourire sur le
visage des plus pauvres à la faveur d’un développement et d’une
prospérité partagés ; faire du Cameroun une grande nation, une puissance
africaine, un pays qui compte dans le concert des nations. Rien ni
personne ne pourra enlever en moi l’amour profond que je porte pour
vous. Nul ne pourra m’empêcher de vous aimer de cet amour fraternel qui
brûle en moi depuis toujours ; un amour pétri dans la fraternité
républicaine qui se situe au-delà des liens de sang et de connivences
ethniques et dont ceux dont les chemins ont croisé le mien peuvent
rendre témoignage. Que cette douce flamme embrase chacun de vous et
consume les haines absurdes entretenues, afin qu’ensemble nous nous
tournions vers notre projet national, celui de relever les défis
multiples de la modernité et du monde nouveau qui interpelle notre
jeunesse. Je demeure convaincu que nous arriverons un jour – pas très
lointain – à vivre dans la concorde dans notre patrie commune, le
Cameroun, organisé dans la forme que nous aurons choisie ensemble par
une volonté commune. La Communauté internationale a bon dos. Avec le
MRC, ses alliés et moi-même, elle est devenue le bouc-émissaire commode
d’un régime au règne des échecs recommencés.
Mais, le risque de
dislocation de l’Etat, la crise du vivre-ensemble, l’aggravation des
inégalités et des injustices se traduisant par l’amplification de la
fracture sociale, la zombification des populations, en particulier des
jeunes avec la perte de leur amour-propre, le sentiment d’exclusion et
d’absence de perspective qui les amènent à ne plus rêver que de
l’émigration à tous les prix, l’exclusion de la diaspora traquée comme
un ennemi, la stagnation du revenu par habitant bloqué à 1 300 dollars
US depuis plus d’un quart de siècle, le déficit chronique de la balance
commerciale de plus de 1 200 milliards de FCFA, l’endettement galopant,
l’espérance de vie à 55 ans, le taux de mortalité maternelle et
infantile parmi les plus élevés en Afrique, la gestion budgétaire
inefficiente caractérisée par les dépenses improductives, les enfants
qui meurent en cherchant de l’eau potable, l’indisponibilité de
l’électricité pour le plus grand nombre, l’augmentation du nombre de
pauvres, le taux d’agression sexuelle parmi les plus élevés au monde,
les performances exceptionnelles du pays en matière de corruption qui
placent le Cameroun dans le peloton de tête des pays les plus corrompus
de la planète, tout cela n’est pas le fait de la Communauté
internationale. C’est la conséquence dramatique de la gouvernance
obscurantiste, vénale et velléitaire d’un homme qui n’a d’expérience
qu’en matière de politique politicienne, basse et destructrice, mais qui
est dramatiquement indigent s’agissant de la construction d’un Etat
moderne et du développement économique et social du pays. Il doit avoir
le courage d’assumer ses échecs.
Le régime autiste s’enferme dans le
délire d’un complot imaginaire planétaire contre notre pays.
Croyez-moi, la Communauté internationale a pour mission fondamentale
d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. A cet
égard, elle a bien trop de choses à faire que de rechercher à
déstabiliser le Cameroun, alors qu’elle peine à venir à bout des crises
congolaise et centrafricaine, pour s’en tenir à l’Afrique Centrale.
L’histoire nous ouvre des perspectives nouvelles et la Communauté
internationale nous tend une main secourante.
Restez plus que jamais
mobilisés, car rien n’est fini tant que ce n’est pas fini. Nous devons
continuer à affirmer pacifiquement notre présence sur la scène
politique, tant il est vrai que nous constituons aujourd’hui la force
alternative en laquelle une grande majorité de Camerounais place ses
espoirs pour un avenir meilleur. Restons soudés et résistons à la
corruption politique et aux chantages multiformes du régime. Travaillons
à refonder notre Etat, à préserver son unité dans sa riche diversité en
combattant le tribalisme et tous les facteurs de division. Continuons à
nous battre pour une réforme consensuelle du système électoral, gage
d’un jeu démocratique apaisé garant de l’adhésion populaire au pouvoir.
Les épreuves actuelles qu’affrontent de nombreux militants et
sympathisants embastillés, nos alliés et moimême, repoussent le moment
des noces de notre cher pays avec la Liberté, la Justice et le Progrès
partagé. Mais elles ne font que différer ce moment que je vous ai
annoncé pendant la campagne de la présidentielle 2018 et qui ne cesse de
s’imposer à moi comme une certitude. Cependant, nous n’y arriverons
qu’ensemble et par notre détermination. Ce n’est pas le combat d’un
individu, ni d’un parti politique, ni d’une ethnie, ni d’une région, ni
des Anglophones, ni des Francophones. C’est la lutte commune d’un peuple
contre l’enténèbrement de son pays. Les étapes à venir seront
décisives.
A travers vos nombreux messages qui me parviennent, je
sais que vous vous inquiétez pour moi, pour nous ; je vous en sais gré.
Mais inquiétez-vous davantage encore pour le Cameroun dont les multiples
blessures font craindre le pire. Aucun sacrifice ne nous sera épargné
pour le salut de ce pays qui nous est si cher. Vous avez déjà accompli
des pas importants sur le chemin escarpé qui s’ouvre devant nous. Mais
vous ne devez pas relâcher vos efforts qui seront sollicités encore et
encore ; car, comme je vous l’ai déjà dit, notre libération viendra de
nous-mêmes et de personne d’autre. On peut vous accompagner, mais
personne ne se substituera à vous, au peuple camerounais. Je compte sur
vous pour qu’ensemble, sans faux-fuyants, nous donnions une chance à la
jeunesse camerounaise, et par la suite à notre pays.
Avec ma fraternité républicaine.
Maurice Kamto
Prison Principale de Yaoundé, 28 avril 2019