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En récession
depuis quatre ans, le Congo-Brazzaville tente, en vain, de relancer son
économie.
Frappé par la baisse des cours du pétrole et celle de sa production, le pays ne parvient plus sortir de l'ornière. Pour faire face à la crise, il se tourne vers un FMI réticent, avec le soutien des autres États membres de la CEMAC. Analyse.
Frappé par la baisse des cours du pétrole et celle de sa production, le pays ne parvient plus sortir de l'ornière. Pour faire face à la crise, il se tourne vers un FMI réticent, avec le soutien des autres États membres de la CEMAC. Analyse.
Une
crise économique et sociale sans précédent frappe la République du
Congo (RC), un État membre de la Communauté économique et monétaire de
l'Afrique centrale (CEMAC) qui a connu un véritable boom pétrolier dans
les années 2000. Ce qui en faisait alors du Congo-Brazzaville, son nom
informel, l'un des pays les plus stables économiquement de la
sous-région parce que disposant des plus importantes réserves à la
banque des États de l'Afrique centrale (BEAC). Mais depuis 2015, avec la
chute des prix du pétrole, c'est la dégringolade. Le pays est au bord
du gouffre.
«Il y a une perte massive d'emplois, ce qui
augmente le chômage de masse des concitoyens les plus démunis», commente
pour Sputnik Mpaco Emery, agent contractuel à la direction du Trésor au
ministère des Finances du Congo-Brazzaville. Il a notamment assisté aux
négociations entre la Chine et Brazzaville dans le cadre du Fonds
Monétaire International (FMI).
Selon
le rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD) sur les
perspectives économiques en Afrique, la croissance en Afrique centrale
restera fragile entre 2019 et 2020 à cause de la très forte dépendance
des économies de cette région des matières premières, notamment le
pétrole.
Brazzaville, quant à lui, dépend encore aujourd'hui à 90% des recettes pétrolières, sans aucune diversification. Les investisseurs internationaux font de plus en plus défection. C'est dans ce contexte qu'Akinwumi Adesina, Président de la BAD, effectuera une visite dans le pays le 10 mai prochain. Une visite qui le conduira dans toute l'Afrique centrale.
Brazzaville, quant à lui, dépend encore aujourd'hui à 90% des recettes pétrolières, sans aucune diversification. Les investisseurs internationaux font de plus en plus défection. C'est dans ce contexte qu'Akinwumi Adesina, Président de la BAD, effectuera une visite dans le pays le 10 mai prochain. Une visite qui le conduira dans toute l'Afrique centrale.
Malgré
ce déclin économique, la RC est encore riche de près d'un milliard de
barils. Lors du sommet de la CEMAC à N'Djamena (Tchad) en mars dernier,
les autres États membres s'étaient montrés solidaires du
Congo-Brazzaville pour trouver des solutions à la crise économique qui
frappe ce petit pays pétrolier.
Le ministre gabonais de l'Économie, Jean Marie Ogandaga, a assisté
avec ses homologues de la CEMAC à une rencontre avec le FMI, à
Washington D.C. en avril dernier. Il avait déclaré, dans un entretien
accordé au site Gabon actu: «C'est une grande première, nous nous sommes concertés et nous avons décidé de faire bloc face au FMI». L'objectif pour les ministres de la sous-région est d'inciter le FMI à conclure des accords avec Brazzaville.
«Nous serons jugés par les six États membres,
comme c'est le cas actuellement. Le FMI reconnaît les efforts importants
réalisés par les pays de la CEMAC. La sous-région mérite l'assistance
soutenue du FMI et aussi de la Banque mondiale», avait conclu Jean Marie
Ogandaga.
Quatre
des six pays membres de la CEMAC (Cameroun, Gabon, Tchad et
Centrafrique) sont déjà sous assistance du FMI. Mais, en ce qui concerne
le Congo-Brazzaville, «ce pays ne remplit pas encore les critères préalables pour un accord»,
selon les experts financiers approchés par Sputnik. Dernier obstacle
pour Brazzaville, Pékin, les relations entre les deux capitales étant
devenues compliquées ces dernières années.
«C'est certainement la première fois que la
Chine se retrouve confrontée à ce genre de situation. Le Congo
[-Brazzaville, ndlr] cherche à se mettre sous la protection du FMI pour
éviter un éventuel défaut de paiement. La Chine, qui détient plus d'un
tiers de sa dette externe, n'est pas vraiment à l'aise avec cette
procédure. La Chine a prêté à tout-va ces dernières années, souvent à
des pays qui produisent et exportent des matières premières, en
particulier du pétrole. Or, Pékin commence à se rendre compte que les
problèmes peuvent s'accumuler», a assuré à Sputnik un spécialiste des
relations entre Pékin et l'Afrique, sous couvert d'anonymat.
La
situation à Brazzaville est d'autant plus inquiétante que le pays avait
bénéficié en 2005 d'une réduction de sa dette, au titre de l'initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).
«Le PIB du pays est divisé par deux. Ce qui a
entraîné une explosion de son endettement à 110% en 2017, soit environ
deux milliards de dollars», a affirmé un expert de la BEAC (Banque des
États de l'Afrique centrale) joint à Yaoundé par Sputnik.
Pour faire face à cette crise sans précédent, le gouvernement
congolais a appelé au secours le FMI. Un accord était en vue au début
2018, mais n'a toujours pas été approuvé. Le FMI impose notamment comme
condition que la dette soit soutenable «à l'issue du programme et des réformes mises en place», explique au site Gabon actu, Joël Toujas Bernate, sous-directeur Afrique au FMI.
Une
restructuration de la dette s'impose donc et un accord avec la Chine
est indispensable pour disposer de l'aide du FMI. Or, Pékin traîne des
pieds. D'autre part, les États-Unis mettent la pression sur le FMI afin
qu'il fasse respecter aux pays endettés leurs échéances, pour éviter
qu'ils se retrouvent en défaut de paiement, comme ce fut le cas par le
passé avec certains pays de la sous-région.
Aux États-Unis, premier contributeur du FMI, une quinzaine d'élus ont
demandé en août dernier au secrétaire d'État américain au Trésor,
Steven Mnuchin, qu'il exerce son influence pour «empêcher l'exécution des programmes» des pays trop endettés vis-à-vis de Pékin. Le Congo-Brazzaville fait partie de la «liste noire» dressée à cet effet.
«Pour les États-Unis, il est hors de question
que le FMI vienne à la rescousse des pays endettés vis-à-vis de Pékin.
Le Fonds a établi un rapport de forces dans une logique de créancier. Il
veut être remboursé à la fin du programme et s'assurer que la dette
soit soutenable. Mais la position de la Chine reste ambiguë pour
l'instant. Nous espérons que le programme du Congo-Brazzaville sera
approuvé d'ici la prochaine réunion du conseil d'administration du FMI
en juin 2019. C'est en bonne voie, mais ce n'est pas encore signé», a
expliqué à Sputnik André Bouilaga, un économiste congolais contacté à
Brazzaville.
En attendant, le nombre de Congolais sans emploi augmente de jour en
jour et le chômage alimente les discussions dans tout le pays.
Officiellement, on parle d'un taux de 15%, même si ce chiffre ne reflète
pas la réalité vécue au quotidien. «Seules les entreprises chinoises parviennent encore à exécuter certains travaux grâce au cofinancement de la Chine», selon une source gouvernementale congolaise.
Cette
situation risque de perdurer. En effet, l'ONG Transparency
international considère la République du Congo comme l'un des pays le
plus corrompus d'Afrique. Il occupe le 165e rang sur 180 dans son
rapport 2018.
L'environnement des affaires constitue également l'une des faiblesses
du pays, qui occupe la 180e place sur 190 au classement Doing Business
2019, établi par la Banque mondiale pour évaluer la qualité de
l'environnement des affaires des pays dans le monde. Il est donc loin
derrière des pays comme le Rwanda, à la 26e place dans le monde, mais
deuxième en Afrique.
«En l'absence de découvertes majeures à moyen
terme, il ne reste au Congo-Brazzaville qu'une dizaine d'années de
production pétrolière», affirme à Sputnik Achile Ngwanza, expert
congolais en exploitation pétrolière.
Depuis la mise en production de ses champs pétroliers à la fin des
années 90, l'économie congolaise est devenue fortement dépendante des
revenus pétroliers. Ainsi l'or noir représente-t-il 90% des exportations
et 80% de la richesse nationale. Avec une production de brut s'élevant à
354.000 barils/jour, le Congo-Brazzaville se classe au 6e rang des
producteurs de pétrole en Afrique.
Mais
ses principaux champs pétroliers sont arrivés à maturité et la
production a commencé à décliner depuis 2015, peu après l'organisation
des Jeux africains d'Athlétisme la même année. Des jeux qui ont vu la
construction d'impressionnantes infrastructures, comme le complexe
sportif de Kintele dans la banlieue nord de Brazzaville. Une opulence
qui semble donc sans lendemain pour le Congo-Brazzaville.
Par RT France