Les 27 dirigeants de l'UE tentaient de débroussailler les sujets les
plus épineux vendredi lors du
sommet de Bruxelles, concentrant une
partie de leur attention sur le leader des "frugaux", le Néerlandais Mark Rutte, l'homme à convaincre pour parvenir à un accord sur le plan de relance pour sortir d'une récession historique.
Ils sont arrivés tous masqués à la réunion, qui a lieu, pour la
première fois de l'histoire, sans journalistes présents dans l'immense
bâtiment du Conseil européen, en raison de la pandémie de coronavirus.
"La
bonne nouvelle est que personne n'a quitté la salle", a indiqué une
source diplomatique alors qu'une première séance de discussions à 27 a
duré près de huit heures. "Tout le monde est constructif", a renchéri
une source européenne.
Au menu des négociations: un plan de
relance de 750 milliards d'euros, composé de 250 milliards de prêts, et
surtout de subventions à hauteur de 500 milliards, qui n'auront pas à
être remboursées par les Etats bénéficiaires.
Il est adossé au budget de l'UE à long terme (pour la période 2021-2027) de 1.074 milliards d'euros.
Lors
de leur dernière rencontre en face-à-face, le 20 février,
les 27 avaient échoué à s'entendre sur le budget de l'UE pour 2021-2027.
Mais la crise est passée par là et un plan de relance s'est invité aux
discussions.
Elles s'annoncent longues et difficile, chaque pays
ayant un droit de veto. Le sommet prévu sur deux jours pourrait se
prolonger jusqu'à dimanche.
Selon la source diplomatique, les
discussions ont commencé par trois sujets particulièrement ardus,
cruciaux pour l'issue du sommet: le montant du plan, la façon dont
seraient contrôlés les plans de réformes des principaux bénéficiaires
des aides - les pays du Sud. Et troisièmement la question des rabais des
contributions accordés aux Etats qui versent davantage d'argent au
budget de l'UE qu'ils n'en reçoivent. Les "frugaux" - les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, la Suède - réclament des rabais plus élevés.
Le
Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, chef de file de ces quatre
pays surnommés péjorativement "les radins", est d'ailleurs arrivé à
Bruxelles, en estimant "à moins de 50 %" les chances d'un accord.
Vins et chocolats
Il avait déjà été considéré comme partiellement responsable de l'échec du sommet de février sur le budget de l'UE.
Les
frugaux - rejoints par la Finlande -, ont émis de nombreuses réserves
sur le plan de soutien qui devrait profiter avant tout à l'Italie et
l'Espagne.
A son arrivée à Bruxelles, le chancelier autrichien
Sebastian Kurz a insisté sur a nécessité de savoir "à quoi serait
utilisé l'argent" octroyé aux pays en difficulté.
"Nous nous
battrons pour qu'il soit investi dans des projets d'avenir, pour
l'écologie, pour la numérisation, pour des réformes et non pour des
entreprises rétrogrades", a-t-il affirmé.
Les exigences de
réformes font bondir les pays du Sud, inquiets de se retrouver avec
l'obligation de se soumettre à un programme imposé par d'autres, comme
l'avait été la Grèce au plus fort de la crise de la zone euro.
Pour
mieux contrôler ces pays, jugés laxistes sur le plan budgétaire, M.
Rutte souhaite d'ailleurs que leurs plans de réformes soient validés à
l'unanimité des 27 (et non à la majorité qualifiée comme l'a prévu
Charles Michel).
Autre sujet délicat: le lien entre le versement
d'argent et le respect de l'Etat de droit, pour la première fois inscrit
dans un budget de l'UE. Une question qui a été abordée en fin
d'après-midi avant que les leaders ne se séparent pour des bilatérales
jusqu'à 20H00 (18H00) pour leur dîner.
Or, la Pologne et la
Hongrie, qui font toutes deux l'objet de procédures au sein de l'Union
en raison d'atteintes à l'indépendance de la justice ou aux droits
fondamentaux, freinent des quatre fers.
Dans ce grand marchandage,
Mme Merkel suscite beaucoup d'espoirs. Se rangeant à l'avis de la
France, elle a accepté que des fonds soient empruntés à grande échelle
au nom de l'Europe, brisant ainsi un tabou dans un pays jusqu'ici
largement opposé à l'idée d'une dette commune.
M. Kurz a toutefois
insisté sur le fait qu'il s'agissait d'un "projet ponctuel" et non de
pérenniser la mutualisation des dettes.
Le sommet avait commencé
sur une note joyeuse avec la remise de cadeaux à Angela Merkel et au
Portugais Antonio Costa qui fêtaient respectivement leurs 66 et 59 ans:
bouteilles de vin de bourgogne, chocolats belges. Et huile de rose
bulgare pour la chancelière.
Par Lepoint.fr avec AFP