Les premiers jours de 2018 ont marqué le lancement de la
distribution gratuite de 500 000 ordinateurs
portables aux étudiants
camerounais dans le cadre du programme « higher education vision » du
président Paul Biya. Mais pour ce dernier, comme pour ses bénéficiaires,
il semblerait que le cadeau de début d’année soit devenu empoisonné.
C’était une promesse formulée en 2016. Le président Paul Biya
s’était alors engagé à distribuer gratuitement de janvier à juin 2018,
500 000 ordinateurs portables aux étudiants camerounais du public et du
privé dans le cadre de son programme baptisé « higher education
vision ».
Inspirée d’initiatives similaires lancées au Gabon, en
Guinée et en Côte-d’Ivoire, l’opération « un étudiant, un ordinateur »,
chiffrée à 75 milliards de FCFA (114 336 763 €), est train de se
transformer en fiasco farfelu, ridiculisant le président et quelques
membres de son administration.
Un disque dur trop léger
En cause, les caractéristiques de ces bijoux flambant neufs,
tout droit sortis des usines chinoises du fabricant hongkongais
Shenzhen Technology. Les « PBHev » pour « Paul Biya higher education
vision », s’avèrent être parfaitement inadaptés aux usages des étudiants
camerounais. Leur capacité de stockage est réduite à peau de chagrin
par le choix d’un disque dur SSD utile à l’amélioration de la puissance
d’une machine, mais totalement inadéquat en ce qui concerne le stockage
de fichiers.
Or, à Yaoundé, Douala ou ailleurs, les étudiants ont
davantage besoin de stocker leurs documents de cours, plutôt que de
faire fonctionner des logiciels lourds. Et quand bien même ils auraient
besoin de ces derniers, ils ne pourraient les installer sur leur PC,
faute d’espace disponible.
Revente au marché noir
Voyant les polémiques naître sur plusieurs fronts, Roger
Atsa Etoundi, le directeur des systèmes d’information du ministère de
l’Enseignement supérieur, et son ministre Jacques Fame Ndongo, ont par
deux fois tenté maladroitement de jouer la pédagogie, préconisant aux
étudiants d’opter pour un abonnement cloud pour augmenter leur espace de
stockage. Un conseil qui semble plutôt osé dans un pays classé parmi les derniers en termes d’accessibilité à l’Internet fixe et mobile en 2017 par l’Alliance for affordable Internet (A4AI).
Des incohérences ont aussi été relevées concernant le coût réel des PBHev. Le 26 décembre à la télévision nationale, Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur camerounais, assurait que le prix de revient du PC était de 300 000 FCFA (457 euros). Trois jours plus tard sur Twitter, son collègue du ministère de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, avançait que leur véritable valeur marchande était de 100 000 FCFA (152 euros).
Or, entre temps, des internautes ont retrouvé le produit en
vente pour 85 dollars (70 euros) sur le site de commerce en ligne
Alibaba, posant ainsi des questions sur la gestion des négociations avec
le fabricant.
Des machines défaillantes
Depuis quelques semaines, les pannes et bug semblent se
multiplier sur les ordinateurs du président. Des étudiants ont découvert
qu’ils n’avaient pas la licence pour la suite de logiciels Office 365
de Microsoft, censée être comprise dans la machine. D’autres n’arrivent
tout bonnement plus à allumer leur ordinateur.
Conséquence de ces couacs à répétition : des opportuns ont
choisi de brader leur PBHev sur Facebook ou directement sur le marché
noir de l’avenue Kennedy, haut lieu de la dépanne high-tech à Yaoundé.
Pour les étudiants, comme pour Paul Biya, ces ordinateurs se
sont donc transformés en cadeau empoisonnés. Pourtant, 400 000 sont
encore à distribuer dans tout le pays.
Source: Jeune Afrique