Dix-sept ans ans jour pour jour depuis son accession au pouvoir en
RDC, le président Joseph Kabila a
convoqué la presse ce vendredi à
Kinshasa pour donner sa "lecture" de la situation dans son pays. Une
première depuis au moins cinq ans.
La parole du chef de l’État congolais est rare, très rare. Depuis son arrivée au pouvoir le 26 janvier 2001, à la suite de l’assassinat de son père, Joseph Kabila s’exprime peu. Sa dernière conférence de presse à Kinshasa remonte à la fin juillet 2012.
Pour marquer le coup de ses 17 ans au pouvoir, Joseph Kabila
a convoqué des journalistes, ce vendredi 26 janvier, pour donner,
« d’une façon schématique et brièvement » « [son] point de vue », « [sa]
lecture » de la situation politique, sécurité, économique dans son
pays. Mais aussi sur les relations entre ce dernier et ses partenaires
internationaux.
Le commencement, c’est le 26 janvier 2001
Joseph Kabila a commencé ainsi par remonter le temps. « Le
commencement, c’est le 26 janvier 2001 », a-t-il expliqué, dressant un
tableau bien sombre de l’état dans lequel il dit avoir trouvé la RDC :
« Le Congo venait de perdre son président. (…) Le Congo était en pleine
guerre, avec des armées d’occupation du nord au sud du pays. (…) Le pays
était divisé en plusieurs zones d’influence ».
Sur le plan économique, il dit avoir trouvé un pays qui
« n’avait pas de cadre macroéconomique » dans lequel « tous les
indicateurs [économiques étaient] au rouge » avec un « taux de
croissance négatif » et « une dette de 14 milliards de dollars ».
Sur la situation dans l’Est
Il a ensuite évoqué la situation dans l’Est du pays, en
particulier dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Il a souligné
« l’afflux massif de réfugiés » dans ces régions, « des réfugiés venus
avec des centaines de milliers de Kalachnikov » dont l’arrivée a marqué
« le début de notre cauchemar, le début de l’insécurité dans notre
province. »
« Face à cette situation on a été obligé une fois de plus de
mobiliser et déployer des forces armées dans ces provinces », a-t-il
déclaré ensuite. « Au moment où nous parlons, il y a des opérations en
cours », a-t-il affirmé. « L’objectif, in fine, c’est de mettre fin à
cette insécurité ».
Concernant la situation dans le Kasaï, il a affirmé : « À
95%, on a déjà mis fin à une situation dramatique ». Il a également
dénoncé dans cette province « des actes terroristes. Des actes qui sont
posés contre la population et contre les institutions de la
République ».
« Mais est ce que c’est une nouvelle situation ? » s’est-il
interrogé. Le Congo « a déjà connu une situation pareille en 1959, à
l’époque le Congo était administré par les belges », a-t-il continué.
« Mêmes façons d’agir, mêmes massacres. »
Mais « cette fois-ci, la réponse est catégorique », a-t-il affirmé, promettant « la justice » et « des sanctions exemplaires ».
Quid du processus électoral ?
Avant d’aborder la situation politique, le président Kabila
est revenu sur le référendum constitutionnel de 2015. « Je suis
peut-être le seul à avoir battu campagne, à travers le pays, en faveur
de cette Constitution », a-t-il affirmé. Comme s’il voulait démontrer sa
bonne foi face à ceux qui le soupçonnent de vouloir se maintenir au
pouvoir en violation des dispositions de la Loi fondamentale en vigueur
en RDC.
Kabila a ensuite soutenu que la présidentielle aura lieu le
23 décembre, comme prévu par la Commission électorale nationale
indépendante (Ceni). « Le calendrier électoral est bien précis, a-t-il
martelé. Dès que les élections auront été organisées et l’élu [son
successeur] sera connu, il y aura passation [de pouvoir]. » Et de
souligner que sa volonté de préserver un climat apaisé après la tenue
des scrutins, comme l’a rapporté Top Congo.
À l’en croire, il n’y aura pas non plus de référendum
constitutionnel pour faire sauter le verrou qui limite à deux les
mandats présidentiels.
Les élections en RDC commencent à coûter plus cher que le développement », selon Kabila
Mais Kabila s’est également interrogé sur le financement
électoral en RDC : « Les élections dans ce pays commencent à coûter plus
cher que le développement. Est-ce qu’il faut qu’on soit cité comme le
pays le plus démocratique dans le monde ou bien c’est le développement
qui compte ? »
Le président congolais a ajouté qu’il faudra « au moment
venu lever des options », « prendre des décisions courageuses pour ne
plus tomber ou retomber dans cette situation ». Faisant allusion au coût
du cycle électoral global estimé à 1,2 milliard de dollars alors que le
budget de l’État est évalué à 6 ou 7 milliards.
« Rendre à César ce qui est à César »
Quant aux marches des chrétiens réprimées dans le sang le 31
décembre 2017 et le 21 février alors que des manifestants réclament
l’application intégrale du compromis politique de la Saint-Sylvestre,
Kabila demande à l’Église catholique de « [rendre] à César ce qui est à
César » : « Jésus-Chris n’a jamais présidé une commission électorale. »
Pour le chef de l’État congolais, « il faut permettre des
manifestations mais leurs organisateurs doivent répondre de leurs
effets ». Il a ainsi invité les deux chambres du Parlement à « se
pencher » sur la loi régissant les manifestations en RDC. « La
démocratie, ce n’est pas la foire », a-t-il clamé.
Depuis plusieurs mois, des manifestations sont
systématiquement interdites à Kinshasa et dans d’autres villes du pays.
Mais malgré ces prohibitions, l’Église catholique, à travers le Comité de coordination de laïcs, est parvenu, à deux reprises, à faire descendre des manifestants dans la rue.
Aux chers « cousins » belges !
Kabila s’est également prononcé sur les rapports tendus
entre son pays et la Belgique. Quarante-huit heures plus tôt, le
gouvernement congolais a annoncé deux mesures de rétorsion contre Bruxelles.
Ceux qui ont assassiné Lumumba devraient être plus humbles et ne pas donner de leçon de démocratie
« Il n’y a pas d’animosité avec la Belgique qui doit
comprendre que la RDC n’est plus une colonie. Notre décision a été prise
sans passion (…) », a-t-il expliqué. Plaidant pour des rapports
bilatéraux égaux entre Congolais et Belges, Kabila estime que les deux
peuples sont « plutôt des cousins », même si « nous les appelons oncles
[et qu’]ils nous appellent neveux ».
« Ceux qui ont assassiné [Patrice] Lumumba [le premier
Premier ministre congolais] devraient être plus humbles (…) au lieu de
croire qu’ils peuvent devenir des donneurs de leçon de démocratie »,
a-t-il poursuivi, soulignant que la RDC n’était « pas complexée » en
termes de « niveau de la liberté de presse ou d’opinion » dans son pays.
La Monusco, la mission onusienne présente dans le pays, n’a
pas été épargnée par les attaques du chef de l’État dont le second
mandat est arrivé à terme fin 2016. « Après 20 ans [de présence en RDC],
on a l’impression qu’elle a comme mission de rester », a lâché Kabila.
« La Monusco n’a éradiqué aucun groupe armé dans l’est de la
RDC (…). Il a fallu que des terroristes décapitent des experts de l’ONU
pour qu’elle ouvre les yeux », a déclaré le numéro un congolais.
Michael Sharp et Zaida Catalán ont été assassinés en mars 2017 au Kasaï dans des circonstances qui demeurent floues. L’implication de certains agents de service de sécurité de la RDC n’est pas exclue, selon des enquêtes indépendantes.
Source: Jeune Afrique