Un faux passage du livre sur la Maison Blanche a été partagé des
milliers de fois et trompé de
nombreux internautes. Il décrit un
président américain assis devant son écran, regardant des singes se
battre...
Le signe de l’effondrement imminent de la pensée critique ou le
génial premier «meme» de 2018 : c’est ainsi qu’on peut voir, au choix,
ce que la presse américaine a surnommé le «Gorilla Channel Incident»,
selon le New York Times.
Un rappel, avant d’entrer dans le vif de cette histoire de singe : vendredi, un livre a rendu Trump furieux. Fire and Fury, Inside the Trump White House,
écrit par le journaliste Michael Wolff, raconte de l’intérieur une
Maison Blanche soumise aux sautes d’humeur et à la personnalité
supposément superficielle de Donald Trump. On apprend, entre autres, que
son entourage le décrit «comme un enfant», ayant immédiatement besoin d’être satisfait, ou encore «comme une balle de flipper» qui «part dans tous les sens», mais aussi que Trump, persuadé de perdre, était livide à l’annonce de son élection.
On
trouve aussi, dans cet ouvrage que le président des Etats-Unis a voulu
faire interdire, des informations disons… plus anecdotiques. Ainsi
découvre-t-on qu’il a réprimandé un employé de la Maison Blanche pour
avoir ramassé une chemise qu’il avait laissé par terre («si ma chemise est par terre, c’est parce que je la veux par terre»)
ou que l’homme à la chevelure flamboyante a demandé l’installation de
deux télés supplémentaires à celle déjà existante dans sa chambre. Voilà
ce qu’on peut vraiment lire dans l’ouvrage.
«Télé cassée»
Rien,
en revanche, sur la passion supposée de Trump pour les gorilles à
l’écran. Et pourtant… Jeudi soir, le dessinateur Ben Ward, juste avant
la publication du livre, publie sur Twitter ce qu’il présente comme un
extrait. «Lors de sa première nuit à la Maison Blanche, le président
Trump s’est plaint du fait que la télé dans sa chambre était cassée,
parce qu’il n’avait pas "la chaîne des gorilles". Trump semblait penser
qu’il existait une chaine qui diffusait toute la journée des contenus
sur les gorilles», peut-on lire. Pour l’apaiser, le staff de la
Maison Blanche aurait alors compilé des documentaires sur les gorilles
et aurait fait diffuser le tout sur la télé de la chambre de Trump. Sans
pour autant le satisfaire, le président regrettant que les gorilles ne
se battent pas. Le staff y aurait alors remédié à coup de montage.
Trump, satisfait, pourrait alors passer dix-sept heures d’affilée devant
sa télé, allant même jusqu’à encourager les gorilles en train de se
battre, l’air de penser qu’ils peuvent l’entendre.

Mais
ce qui était une blague n’a pas été interprété comme tel. Dimanche
matin, l’extrait inventé de toutes pièces avait été retweeté près
de 26 000 fois. Et comme l’explique le New York Times, certaines personnalités reconnues de Twitter l’ont pris au sérieux. A tel point que le dessinteur a dû renommer le compte «le truc de la chaîne des gorilles était une blague». Une rapide recherche montre qu’au-delà des Etats-Unis, le mensonge a aussi pris. Ainsi, le quotidien libanais l’Orient le Jour écrit qu’il faut prendre les révélations de Wolff «avec prudence», citant l’extrait des gorilles.
Service client
Une
fois la vérité rétablie, certaines marques se sont amusées de
l’épisode. Ainsi, Netflix a demandé à ses utilisateurs sur Twitter
d’arrêter d’appeler le service client pour demander si la chaîne des
gorilles était disponible.
Interrogé,
Ben Ward a expliqué qu’il avait l’habitude de faire ce genre de fausses
captures, mais essayait de les rendre suffisamment ridicules pour que
ce soit clairement une blague. Pas assez, visiblement. Preuve que la
politique au plus haut niveau de l’Etat et les blagues potaches sont
devenues difficiles à distinguer.