Mark Zuckerberg doit être auditionné ce mardi devant le Congrès
américain, après la
révélation du scandale Cambridge Analytica. Très
critiqué pour sa gestion de la crise, le patron de Facebook tient
toujours fermement la barre, mais va devoir renoncer à ses ambitions
politiques.
De quasi-candidat à la présidence américaine à homme le plus contesté
de la planète. La courbe de popularité de Mark Zuckerberg, le fondateur
de Facebook, en a pris un sacré coup, dans le sillage du scandale Cambridge Analytica
et sa fuite de données géante. A 34 ans à peine, le multimilliardaire
et dirigeant du réseau social le plus puissant du monde va jouer gros,
ce mardi, lors de son audition devant les élus du Congrès américain. Car
depuis plusieurs semaines, la pression s’accentue sur son rôle et sur
sa réaction, au point que certains s’interrogent sur sa légitimité.
Malgré quelques interviews où le big boss de Facebook a tenté de faire amende honorable et où il a promis des améliorations,
la presse américaine ne le lâche pas. Après avoir fait la couverture de
son édition de mars avec un Zuckerberg apparaissant le visage tuméfié,
le magasine Wired milite pour son départ dans un article au vitriol:
"La démission de Zuckerberg ouvrirait un nouveau chapitre qui
permettrait d’améliorer sa réputation, pas seulement pour lui mais aussi
pour toute l’entreprise Facebook. Plus important, ces changements
bénéficieraient clairement à la planète tout entière".
Peut-on imaginer Facebook se passer des services de Mark Zuckerberg? Techniquement, c’est difficile, à l’inverse de ce qui est arrivé à Travis Kalanick, le fondateur débarqué d’Uber.
"La structure de propriété de Facebook, en particulier avec les actions de classe B (qui valent dix voix contre une seule pour une action normale, NDLR) distribuées aux fondateurs, fait qu’aujourd’hui Mark Zuckerberg ne peut pas être chassé de Facebook. Il possède une majorité colossale de ces actions de classe B, et donc il est inexpugnable. Il ne pourrait partir que de lui-même, ce qui qui rend la chose improbable", indique Corentin Sellin, professeur d’histoire spécialiste des Etats-Unis.
Selon le Washington Post,
certains actionnaires tentent tout de même de profiter de la tourmente
pour imposer à Mark Zuckerberg de séparer les fonctions de président et
de directeur général, lui qui occupe les deux à ce jour.
"Hara-kiri pour repartir sur de nouvelles bases"
Une
issue qui semble improbable, même si l’histoire du capitalisme est
pleine de ces patrons sacrifiés en pleine tourmente. "C’est la théorie
du bouc-émissaire", explique Hamid Bouchikhi,
professeur de management et d’entrepreneuriat à l’Essec. "Il y a un
moment dans la vie d’un groupe, quand il y a un blocage, où, pour
remettre les compteurs à zéro, il faut faire un sacrifice. Au Japon,
c’est une tradition: quand une entreprise va très mal ou que des actes
graves sont commis, le dirigeant démissionne pour endosser la
responsabilité. Symboliquement, il se fait hara-kiri pour que le groupe
puisse repartir sur de nouvelles bases".
Mais ce n’est pas
franchement la tendance du moment. "Zuckerberg, comme tous les
dirigeants, va espérer s’en sortir en faisant son mea-culpa. Si ça ne
suffit pas, quand il verra que la valeur de sa participation fond comme
neige au soleil, il sera frappé au portefeuille. Et peut-être qu’à ce
moment-là il fera autre chose", estime Hamid Bouchikhi. Selon lui, le
problème n’est d’ailleurs pas forcément lié uniquement à la personnalité
du patron de Facebook:
"Dans son expression publique, il a plutôt le ton juste. Il encaisse. Il n’est pas dans le déni. Mais Facebook, c’est une entreprise dépassée par son succès. C’est comme si vous étiez au volant d’un bolide et que ça allait trop vite pour vous", reprend Hamid Bouchikhi.
"Il a pensé à la présidence des Etats-Unis"
Au-delà du cas de son créateur, il faut selon lui étudier "la manière dont l’humanité va réguler le comportement de Facebook",
le cas de la firme de Menlo Park servant de "laboratoire". "C’est une
entreprise qui vit de la vente de données, et quel que soit le dirigeant
que vous avez à la tête de Facebook, la source du problème restera la
même", prévient Hamid Bouchikhi. "De plus, Facebook devient un enjeu
planétaire pour la démocratie, alors que son conseil d’administration
est fait d’actionnaires".
La démocratie, Mark Zuckerberg
semble s’y être intéressé de très près. Depuis plusieurs mois, il avait
entamé un voyage qui devait l’emmener dans chaque Etat américain. Une
sorte de pré-campagne officieuse pour l’élection présidentielle
américaine de 2020. "Il avait aussi embauché deux des grands concepteurs
de la campagne de Barack Obama en 2008. Ce n’est pas pour jouer au
jocari", s’amuse Corentin Sellin. "Mais c’est fini. Il est cuit,
caramélisé: il a pensé à la présidence des Etats-Unis alors même que sa
société a gravement nui à l’exercice usuel de la démocratie".