Après la dissolution du gouvernement par Alassane
Ouattara, le sort réservé aux anciens ministres
issus du PDCI est au
centre des attentions. Au sein du parti d’Houphouët-Boigny, plus que
jamais écartelé entre partisans et opposants au parti unifié, les
tensions redoublent.
Après des mois d’atermoiements et d’intrigues, le temps s’accélère au sein de la majorité présidentielle. Alors qu’Alassane
Ouattara a chargé Amadou Gon Coulibaly, reconduit à ses fonctions de
Premier ministre, de former un nouveau gouvernement, le 4 juillet,
ce remaniement pourrait sonner l’heure de la rupture entre pro et
anti-Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix
(RHDP) au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Selon les sources de Jeune Afrique, la plupart des ministres
sortants issus du PDCI vont se voir offrir un maroquin dans le prochain
gouvernement. Nombre d’entre eux ont en effet pris soin de souligner
leurs divergences avec la direction du PDCI qui, lors d’un bureau politique mouvementé, le 17 juin dernier, a repoussé à la fin de l’élection présidentielle de 2020 son adhésion au projet de parti unifié.
Création d’un nouveau courant
Mardi 3 juillet, devant de nombreux membres du gouvernement issus du
PDCI, Kobenan Adjoumani a annoncé la création d’un nouveau mouvement
appelé « Sur les traces d’Houphouët-Boigny », qui devrait être créé
officiellement fin juillet à Yamoussoukro, la ville natale du premier
président ivoirien. Seuls deux membres de l’exécutif étaient absents :
Thierry Tanoh et Jean-Claude Kouassi, les hommes les plus réfractaires à
la création rapide d’un parti unifié et dont la place dans le prochain
gouvernement semble ainsi la plus menacée.
Alors qu’Alassane Ouattara avait donné l’instruction à chacun de ses
ministres de se positionner clairement ces dernières semaines, ces
derniers s’y étaient refusés. Le président ivoirien conditionnait
pourtant cette adhésion à l’appartenance à l’exécutif. Selon plusieurs
sources, le président de l’UDPCI, Albert Toikeusse Mabri,
devrait d’ailleurs faire son retour dans le gouvernement, tout comme
des membres du Parti ivoirien des travailleurs (PIT). Par ailleurs,
Sidiki Konaté, un des proches de Guillaume Soro, devrait également se voir offrir un poste.
À la veille de la constitution de ce nouveau courant, les ministres du PDCI s’étaient rendus à Daoukro, dans le fief d’Henri Konan Bédié.
Ils avaient alors tenté de convaincre le chef de leur parti de revenir
sur les décisions du bureau politique, ce que le Sphinx a
catégoriquement refusé. Le lendemain, il leur a en revanche demandé de
renoncer à la constitution de leur mouvement… sans toutefois être
écouté.
Amédé Koffi Kouakou affirme ses dissensions
C’est bien un dialogue de sourds qui prévaut au sein du parti
d’Houphouët-Boigny. Dans un enregistrement téléphonique pirate, dont le
principal intéressé, joint par Jeune Afrique, a reconnu
l’authenticité, le ministre Amédé Koffi Kouakou affirme clairement ses
dissensions avec la direction du PDCI. « On n’est pas contre Bédié mais
on veut aller au parti unifié… Nous, on est pour la paix dans ce pays…
Les palabres inutiles, nous, on n’est pas dedans [sic] », peut-on ainsi
l’entendre dire à Innocent Yao, le président de la jeunesse rurale du
PDCI, à qui il semble faire la leçon.
Nous, on est convaincus de notre majorité… », l’entend-on dire à Innocent Yao
« Au bureau politique, là, 70 % étaient pour le RHDP. Ceux qui
étaient pour le parti unifié, ils étaient plus nombreux que ceux qui
étaient contre. Mais voilà, on dit que ce sont ceux qui huent qui ont
pris le dessus. Comme le président lui-même a dit : « Il y a des pro et
des anti ». On va se peser pour voir qui est plus lourd que son
camarade. […] Nous, on est convaincus de notre majorité… »
Là où Bédié nous envoie, ce n’est pas digne », affirme un cadre pro-RHDP
Un conseil de discipline
En privé, les « pro-RHDP » ne cachent pas leur défiance contre Henri
Konan Bédié. « Cela suffit ! Les gens ne peuvent plus être des moutons.
Là où Bédié nous envoie, ce n’est pas digne, il faut qu’on ait le
courage de lui dire », affirme un cadre, pourfendant la prise de
décision « unilatérale » du Sphinx de Daoukro.
Le beurre et l’argent du beurre
S’ils continuent à assurer publiquement qu’il n’y a pas de rupture au
sein du PDCI, le conseil de discipline du parti pourrait se charger
d’acter ces dissensions. Ce jeudi 5 juillet, celui-ci doit se réunir et
étudier la suspension des partisans du nouveau mouvement, « Sur les
traces d’Houphouët-Boigny ».
Des hommes qui, selon les proches de Henri Konan Bédié, cherchent
seulement « le beurre et l’argent du beurre ». « Ils veulent garder
leurs maroquins dorés, et c’est tout ce qui les intéresse », pourfend un
anti-RHDP. Les tenants de cette ligne exigent « l’alternance » avant la
mise en place du parti unifié.
Alors que le PDCI s’est rangé derrière Alassane Ouattara en 2015, ils
réclament que le RDR fasse de même pour un candidat de leur formation
en 2020. Un point sur lequel les deux poids lourds de la majorité
semblent incapables de s’entendre. Reste à savoir combien de temps leur
alliance peut encore perdurer.
Source: Jeune Afrique