Après la
déclaration de la haute représentante de l'UE pour les Affaires
étrangères sur la détérioration
de la situation politique au Cameroun, le Parlement européen enfonce le clou. Dans une résolution, il déplore «la violence et la discrimination à l'encontre de la communauté anglophone» et demande «la libération immédiate» de Maurice Kamto.
de la situation politique au Cameroun, le Parlement européen enfonce le clou. Dans une résolution, il déplore «la violence et la discrimination à l'encontre de la communauté anglophone» et demande «la libération immédiate» de Maurice Kamto.
«Le
Parlement européen regrette profondément le climat répressif qui règne
au Cameroun face aux partis d'opposition et à leurs partisans, à la
société civile et aux mouvements de citoyens», peut-on lire dans une
résolution en 11 points signée par l'institution de Strasbourg le 16
avril.
Dans ce document, le Parlement des 27 «condamne l'arrestation et la
détention de Maurice Kamto et d'autres manifestants pacifiques».
Il demande en conséquence «aux autorités camerounaises de libérer immédiatement Maurice Kamto et les manifestants.»
Constatant l'interdiction de manifestations du Mouvement pour la
Renaissance du Cameroun (MRC), le Parlement européen (PE) «demande en
outre au gouvernement camerounais de mettre fin à tout harcèlement et
toute intimidation des militants politiques, y compris l'interdiction
des rassemblements politiques pacifiques, et des manifestations, et de
prendre des mesures pour réprimer les discours haineux». Président du
MRC et avocat de renom, Maurice Kamto a été arrêté avec environ 150
manifestants à la suite d'une marche pacifique le 26 janvier dernier.
Ils protestaient contre la victoire du Président sortant, Paul Biya, à
la présidentielle d'octobre 2018, qualifiée par M. Kamto, de «hold-up
électoral».
Dans leur résolution, les eurodéputés s'inquiètent également de la crise en cours dans les régions anglophones.
Ils déplorent «la violence et la discrimination
à l'encontre de la communauté anglophone.» Le Parlement «se déclare
particulièrement préoccupé par les allégations selon lesquelles les
forces gouvernementales seraient responsables d'homicides, de recours
excessif à la force et de tortures.»
Face
à cela, le PE «demande au gouvernement de prendre immédiatement toutes
les mesures nécessaires pour mettre fin à la violence et à l'impunité
dans le pays» et «d'organiser de toute urgence un dialogue inclusif en
vue d'une solution pacifique et durable à la crise dans les régions
anglophones.»
Par ailleurs, prenant note de la décision des États-Unis de réduire
leur assistance militaire au Cameroun en raison «d'allégations crédibles
de violations flagrantes des droits de l'homme par les forces de
sécurité», le Parlement «demande à la Commission européenne de procéder à
une évaluation du soutien de l'Union européenne aux services de
sécurité à cet égard.»
Il convient de noter que ce n'est pas la première fois qu'un organe
de l'Union européenne se prononce sur la crise politique au Cameroun.
Début mars dernier, la haute représentante de l'Union européenne pour
les Affaires étrangères pointait du doigt la «détérioration de la
situation politique et sécuritaire». Au nom de l'institution, Federica
Mogherini avait également déploré l'arrestation de Maurice Kamto et de
ses partisans.
Une pression de la communauté internationale qui, même si elle n'a
pas encore fait fléchir le pouvoir de Yaoundé, suscite moult réactions
dans l'opinion publique camerounaise. Pour Joseph Léa Ngoula, analyste
des conflits et du terrorisme, interrogé par Sputnik France,
«La réponse du Cameroun à la crise anglophone
et l'arrestation de Maurice Kamto symbolisent manifestement une
violation de la ligne rouge tracée par la communauté internationale à
l'égard du gouvernement camerounais.
Toléré jusqu'ici, le régime de Yaoundé fait face une défiance internationale, alimentée par la mobilisation sans précédent, ces trois dernières années, de sa diaspora, de la société civile, des leaders d'opinion et des ONG internationales, qui ne cessent d'alerter sur les violations croissantes des droits humains dans la lutte contre Boko Haram et la gestion de la crise anglophone.
L'arrestation de Maurice Kamto et des militants du MRC au lendemain d'une élection critiquée a envenimé la pression internationale sur le gouvernement et amplifié l'embarras de ses partenaires occidentaux, qui faisaient jusqu'ici l'autruche.»
Toléré jusqu'ici, le régime de Yaoundé fait face une défiance internationale, alimentée par la mobilisation sans précédent, ces trois dernières années, de sa diaspora, de la société civile, des leaders d'opinion et des ONG internationales, qui ne cessent d'alerter sur les violations croissantes des droits humains dans la lutte contre Boko Haram et la gestion de la crise anglophone.
L'arrestation de Maurice Kamto et des militants du MRC au lendemain d'une élection critiquée a envenimé la pression internationale sur le gouvernement et amplifié l'embarras de ses partenaires occidentaux, qui faisaient jusqu'ici l'autruche.»
Commentant l'impact éventuel de cette prise de position des eurodéputés, l'analyste précise que
«La résolution du Parlement européen va-t-elle
pousser la Commission européenne à sortir de la realpolitik qui
caractérise sa coopération avec le gouvernement camerounais et revoir sa
coopération sécuritaire, comme le recommande la résolution? C'est la
grande inconnue.
Certains perçoivent ces résolutions européennes comme des opérations de communication, car si elles permettent au Parlement européen de faire connaître publiquement son opinion sur une question, elles n'ont pas une valeur juridique contraignante. Cependant, le Parlement européen dispose de leviers de pression pour faire appliquer ces recommandations s'il rencontre des résistances au sein de la Commission européenne.»
Certains perçoivent ces résolutions européennes comme des opérations de communication, car si elles permettent au Parlement européen de faire connaître publiquement son opinion sur une question, elles n'ont pas une valeur juridique contraignante. Cependant, le Parlement européen dispose de leviers de pression pour faire appliquer ces recommandations s'il rencontre des résistances au sein de la Commission européenne.»
Gros coup de froid diplomatique entre les USA et le Cameroun
L'arrestation
de Maurice Kamto et de ses partisans a créé un nouveau foyer de tension
dans un pays qui fait déjà face à la violente crise séparatiste de ses
régions anglophones. Depuis plus de deux ans, la crise sociopolitique
qui secoue le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les deux régions anglophones
du pays (qui représentent environ 20% de la population) s'est
transformée en affrontement armé entre forces de défense et de sécurité
camerounaises et militants séparatistes. Les tensions avaient commencé
par des grèves d'enseignants et d'avocats anglophones. Les séparatistes
anglophones ont choisi le 1er octobre 2017, jour de la réunification
officielle des parties anglophone et francophone du Cameroun, en 1961,
pour proclamer unilatéralement leur indépendance. La crise s'est alors
transformée en conflit armé faisant des centaines de morts. L'Onu compte
30.000 réfugiés anglophones au Nigeria et 437.000 personnes déplacées à
l'intérieur du Cameroun.
Par sputnik