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Colombo (AFP) - À l'hôtel Cinnamon Grand de Colombo, qui vient de
rouvrir ses portes au public
après un attentat suicide le dimanche de
Pâques, le silence n'est pas seulement ce silence feutré des
établissements hauts de gamme. C'est surtout le silence du vide.
Avec à peine dix chambres occupées sur 500, contre près de 300
normalement à cette période de l'année, le Cinnamon éprouve tout
particulièrement la désaffection des voyageurs du Sri Lanka après les
attaques jihadistes qui ont fait 257 morts le 21 avril.
Ce jour-là, vers 09H10 du matin, le lieu a été le théâtre du dernier
attentat suicide de la vague qui a visé des églises chrétiennes en
pleine messe et des hôtels de luxe. Un kamikaze s'est fait exploser au
buffet du petit-déjeuner de l'un de ses restaurants, tuant 20 personnes
dont cinq employés.
Pour accéder au vaste lobby au sol de marbre du Cinnamon, il faut
désormais passer deux lourds barrages de sécurité. Un scanner à rayons X
tout juste installé ausculte les sacs. Il y a plus de soldats armés que
de clients.
Au bar de l'entrée, Chaminda Perera revient pour la première fois
depuis les attaques revendiquées par le groupe jihadiste État islamique
(EI) dans cet hôtel où il a ses habitudes, à l'instar d'une partie de
l'élite fortunée de la capitale sri-lankaise.
"On se sent très seul en entrant. Le Cinnamon Grand est l'un des
meilleurs hôtels de Colombo. Les gens viennent toujours ici, normalement
en journée c'est très difficile d'avoir une place", décrit ce directeur
d'une entreprise d'agrochimie, sirotant avec un ami des verres de vin
rouge. Autour, les banquettes et fauteuils sont tous libres.
Bart van Dijk, un Hollandais de 29 ans habitant à Colombo depuis deux
ans, est venu en voisin acheter son café à la boulangerie de l'hôtel.
En temps normal, il aurait également amené son linge sale à laver.
"Dans les autres pays, un hôtel est juste un endroit où les gens
dorment pour le travail ou en faisant du tourisme. Ici, vous avez 14
restaurants dans ce bâtiment, une blanchisserie, une salle de sport...
Vous entrez presque dans tout un écosystème", explique ce responsable
d'un portail de commerce en ligne.
- "Nous allons revenir" -
Des panneaux invitent le client à afficher sur les réseaux sociaux son retour à l'hôtel avec le mot-dièse #BackatCG.
"C'était toujours si affairé. Le lobby voyait passer des gens de
toutes races et nationalités. Des gens qui venaient pour toutes sortes
de raisons: pour un mariage, pour un dîner ou juste pour être vu et
prendre une tasse de café", déclare à l'AFP le gérant de
l'établissement, Rohan Karr.
"Maintenant c'est...", hésite-t-il, cherchant le mot approprié. Avant
de se reprendre: "mais nous allons revenir ! Nous allons retrouver vite
notre gloire !".
De nombreux pays déconseillent à leurs ressortissants de se rendre au
Sri Lanka à la suite des attentats, jugeant que la situation
sécuritaire n'est pas encore stabilisée. Le gouvernement s'attend à une
baisse de 30% des touristes cette année et estime que le secteur
pourrait mettre jusqu'à deux ans pour retrouver ses niveaux normaux.
Suivant un mode opératoire aussi appliqué par ses complices qui ont
frappé les hôtels voisins Shangri-La et Kingsbury, le kamikaze avait
pris une chambre au Cinnamon la veille de l'attaque. Il n'y a cependant
pas dormi, les images de télésurveillance le montrant sortir de
l'établissement dans la soirée.
Il n'y est revenu que le lendemain matin, avec un sac armé d'une
bombe. Il s'est alors rendu une première fois dans le restaurant, où il a
probablement jugé qu'il n'y avait pas encore assez de clients présents.
Lorsqu'il y est retourné quelques minutes plus tard, il a cette fois-ci
actionné ses explosifs.
Si le Cinnamon a d'ores et déjà rouvert quatre de ses restaurants, il
n'a en revanche toujours pas récupéré les clés de celui dévasté par la
déflagration. Les étrangers qui s'y affairent actuellement sont des
voyageurs d'une tout autre catégorie: des enquêteurs d'Interpol et du
FBI.
Par L'Obs avec AFP