Négociations commerciales : Washington reproche à Pékin d’avoir reculé sur certains engagements

Le négociateur en chef américain Robert Lighthizer, le vice-premier ministre chinois Liu He et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, à Pékin, le 28 mars. 
Le négociateur en chef américain a par ailleurs confirmé que les tarifs douaniers allaient augmenter
vendredi, comme l’avait annoncé Donald Trump ce week-end.
Les discussions entre les Etats-Unis et la Chine, prévues jeudi 9 et vendredi 10 mai, à Washington, s’annoncent tendues.
Robert Lighthizer, le représentant au commerce américain, a en effet accusé ses homologues chinois d’être revenus sur des engagements pris au cours de la dernière séance de négociation, à Pékin, évoquant un « repli ». La Chine « essaie de revenir sur des éléments de langage qui avaient été clairement négociés », a renchéri le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Les deux négociateurs n’ont pas précisé quels points étaient en cause.
Après des semaines de propos encourageants, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a brusquement changé de ton la veille. Il a menacé sur son compte Twitter d’augmenter les taxes sur certains produits importés aux Etats-Unis pour protester contre une négociation qui avance à ses yeux « trop lentement », du fait, selon lui, de la tentative de Pékin de « renégocier ».
« Les Etats-Unis perdent depuis des années de 600 milliards à 800 milliards de dollars [jusqu’à 710 milliards d’euros] par an sur le commerce. Avec la Chine, nous perdons 500 milliards de dollars. Désolé, nous n’allons plus faire comme ça ! », a-t-il ajouté, lundi matin, sur le même canal. Une fois n’est pas coutume, il a reçu le soutien du chef de la minorité démocrate du Sénat, Chuck Schumer (Etat de New York), pourtant ordinairement très critique de son administration.

Robert Lighthizer a confirmé que les droits de douane sur 200 milliards de dollars allaient augmenter vendredi, passant de 10 % à 25 %. Dimanche, Donald Trump avait menacé, en outre, de taxer à hauteur de 25 % des produits dont la valeur s’élève à 325 milliards de dollars et qui échappent pour l’instant aux mesures punitives américaines. Le président des Etats-Unis a répété une nouvelle fois que le produit de ces taxes est « partiellement responsable de nos grands succès économiques » alors que le surcoût engendré est réglé en fait par les consommateurs américains.

Déficits commerciaux record avec Pékin

Robert Lighthizer a attendu la fermeture des marchés américains pour accuser la Chine. Ces derniers avaient, en effet, ouvert nettement à la baisse, après les propos de Donald Trump, dimanche, avant de remonter progressivement dans la journée.
La bonne santé de l’économie américaine s’accompagne depuis le début de l’année de déficits commerciaux record avec Pékin. Ces chiffres exaspèrent le président des Etats-Unis, qui souhaitent que la Chine achète davantage de produits américains, notamment agricoles. Mais l’enjeu le plus délicat des négociations porte sur l’ouverture du marché chinois aux entreprises américaines et sur un véritable respect de la propriété intellectuelle.
Selon la presse américaine, citant des sources à la Maison Blanche, l’un des différends qui aurait précipité le coup de semonce américain porterait ainsi sur la traduction des engagements de Pékin à changer de comportement. Washington voudrait qu’ils soient inscrits dans la loi, alors que la Chine voudrait se contenter de procédures réglementaires jugées moins coercitives par les Etats-Unis.
Les deux pays ont intérêt, l’un comme l’autre, à conclure un accord. Il est d’ailleurs anticipé de longue date par les experts. Donald Trump répète souvent que la forte croissance américaine place les Etats-Unis en position de force, mais une guerre commerciale à outrance finirait par peser sur l’économie.

Délicates tractations

Washington et Pékin ont déjà repoussé les échéances au cours des derniers mois. Donald Trump avait déjà menacé la Chine d’une augmentation de droits de douane à partir du 1er mars si les deux parties ne parvenaient pas à conclure à cette date, avant d’y renoncer. De même, l’hypothèse d’un sommet avec son homologue, Xi Jinping, souvent évoquée, ne s’est pas concrétisée jusqu’à présent.
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En mars 2018, annonçant des taxes pour les importations d’acier et d’aluminium, le président des Etats-Unis avait assuré que « les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner ». Les délicates tractations avec la Chine soulignent aujourd’hui les limites de sa formule.
Gilles Paris (Washington, correspondant)