Les GAFA écrasent leurs concurrents et la démocratie, ont martelé les
démocrates; les GAFA nous
censurent, ont tempêté les républicains: les
élus américains ont donné libre cours mercredi, pendant 5 heures, à des
années de frustration vis-à-vis des sociétés tentaculaires qui dominent
l'internet mondial.
Sundar Pichai (Alphabet, maison-mère de Google), Tim Cook
(Apple), Mark Zuckerberg (Facebook) et Jeff Bezos (Amazon), ont été
auditionnés en visioconférence par la commission judiciaire de la
Chambre des représentants à Washington, qui enquête depuis un an sur de
possibles abus de position dominante.
"Ils ont trop de pouvoir", a assené d'emblée David Cicilline, le
président du sous-comité sur la concurrence. Et "ils vont certainement
émerger (de la pandémie) encore plus forts et plus puissants qu'avant".
"Si
le Congrès ne force pas les +Big Tech+ à être équitables, ce qu'ils
auraient dû faire il y a des années, je le ferai moi-même avec des
décrets", a menacé Donald Trump avant le début de la séance.
Les membres démocrates se sont principalement concentrés sur le modèle économique des géants de la tech.
Ils
ont tenté de prouver que ces groupes utilisent les montagnes de données
personnelles à leur disposition et des acquisitions de concurrents pour
empêcher, illégalement, tout compétiteur d'émerger, au détriment des
consommateurs, des citoyens, de l'innovation et de la démocratie.
"Google
est devenu le portail d'accès à internet et abuse de son pouvoir", a
argumenté M. Cicilline après une série de questions à Sundar Pichai.
"C'est devenu un jardin clôturé, (...) qui s'assure, virtuellement, que
toute entreprise qui veut être trouvée en ligne doive payer une taxe à
Google".
© MANDEL NGAN
Le patron de Google Sundar Pichai en visioconférence lors de son audition devant le Congrès, le 29 juillet 2020 à Washington
- "Magasin de bonbons" -
Jerry Nadler, le président de la
commission, a de son côté attaqué Mark Zuckerberg sur le terrain des
acquisitions. "Facebook voyait Instagram comme une menace (...), donc
(...) ils les ont rachetés", a-t-il accusé.
Jeff Bezos, dont
c'était la première parution devant une commission parlementaire, en a
aussi pris pour son grade. "Amazon est seulement intéressé dans
l'exploitation de son monopole sur les ventes en ligne", a déclaré M.
Cicilline. "Son double rôle d'hébergeur et de marchand sur la même
plateforme est fondamentalement anti-concurrentiel. Le Congrès doit
prendre des mesures".
© Graeme JENNINGS
L'élu démocrate et président du sous-comité sur la concurrence David Cicilline, le 29 juillet 2020 à Washigton
Pour appuyer ce propos, l'élue Pramila Jayapal a cité un ancien
employé d'Amazon: "(les chefs) nous disent juste: +ne vous servez pas
dans les données+. Mais c'est un véritable magasin de bonbons, tout le
monde a accès à tout ce qu'il veut".
© Fournis par AFP
Les quatre géants américains de l'internet --Google, Apple, Facebook et
Amazon-- "ont trop de pouvoir", accuse David Cicilline, l'élu démocrate
qui préside une audition exceptionnelle des patrons de ces entreprises
soupçonnées d'abuser de leur position dominante.
Tim Cook a été interrogé sur le même sujet - sa qualité de juge et
partie sur sa plateforme d'applications, l'app store - mais a été
relativement épargné par rapport aux autres groupes.
- "Chasse aux conservateurs" -
Côté
républicains, Greg Steube a interrogé Sundar Pichai sur ses e-mails de
campagne qui "arrivent systématiquement dans les dossiers spam", signe,
selon lui, d'un complot contre les conservateurs.
A moins de 100
jours de élections, de nombreuses questions ont porté sur les réseaux
sociaux et leur rapport à la liberté d'expression.
"Les Big Tech
ont ouvert la chasse aux conservateurs, c'est un fait", a lancé Jim
Jordan, un des proches alliés de Donald Trump, affirmant que les
plateformes faisaient tout pour réduire les républicains au silence.
Il
a aussi accusé Google d'être un allié de la Chine (le moteur de
recherche n'y est pas accessible depuis 20 ans) et a tenté de faire
promettre au patron du groupe que ses services "ne seraient pas ajustés
sur mesure pour aider Joe Biden (le candidat démocrate) à gagner en
2020" la présidentielle.
Sur la concurrence, plusieurs des membres
républicains de la commission estiment de toute façon qu'être "grand"
n'est pas une tare, et peut même servir à "faire le bien".
- Happy ending ? -
Combinés,
les GAFA valent environ 4.780 milliards de dollars en Bourse. Les
milliardaires Jeff Bezos et Mark Zuckerberg figurent au top 5 des hommes
les plus riches au monde.
Leurs patrons ont eu peu d'opportunités
de répondre aux accusations, hormis pendant leurs propos liminaires, où
ils ont vanté leurs "success stories" à l'américaine pour en appeler à
la fibre patriotique des élus.
Ils ont mis en avant leur
contribution à la croissance, leurs investissements, les créations
d'emplois aux Etats-Unis, et assuré favoriser la compétition tout en
faisant face à une concurrence féroce.
Pas de quoi convaincre M.
Cicilline: "Ces sociétés disposent d'un monopole. Certaines doivent être
scindées, d'autres doivent régulées et rendues responsables de leurs
actes", a-t-il conclu.
La commission judiciaire enquête depuis des
mois sur de possibles abus de position dominante, mais l'audition a peu
de chance d'avoir des conséquences majeures, si ce n'est, peut-être, de
préparer de nouvelles lois plus contraignantes pour les plateformes
numériques.
Par AFP