
Donald Trump traverse une mauvaise passe.
Le président américain voit s’évaporer les uns après les autres ses
arguments de campagne. L’économie, qu’il vantait comme la meilleure de
l’histoire, et dont il annonçait la reprise rapide après l’épidémie de
Covid-19, est en pleine récession, et le chômage garde des proportions
historiques. La pandémie, dont le chef d’État espérait tourner la page
après les mois du printemps, a repris avec une vigueur nouvelle. Elle
touche dorénavant de plein fouet les États à majorité républicaine, sur
lesquels il pensait pouvoir compter lors de l’élection de novembre, en
particulier la Floride, le Texas, et l’Arizona. Les États-Unis ont dépassé les 3,2 millions de cas confirmés de Covid-19, et le nombre des décès, qui atteint les 135.000, repart à la hausse.
Au
lieu de disparaître, les deux crises, sanitaires et économiques, se
combinent, la première ayant obligé à revenir sur les mesures de
réouverture prises par plusieurs États. Les rassemblements électoraux
ont aussi été empêchés. Trump a dû annuler ce week-end celui prévu par
sa campagne dans le New Hampshire, officiellement pour des raisons
météorologiques. L’événement devait se tenir en plein air, mais il est
possible que des considérations sanitaires et politiques soient aussi
entrées en ligne de compte. Le précédent rassemblement du président, organisé fin juin à Tulsa, dans l’Oklahoma, s’était tenu devant une salle à moitié vide.
L’État a vu depuis le nombre de cas de Covid-19 augmenter de façon
significative. Si la situation sanitaire continue de se dégrader, il
n’est même pas certain que la convention républicaine, déplacée depuis
la Caroline du Nord jusqu’en Floride, puisse se tenir à la fin du mois
d’août.
Comme
une concession à la gravité de la situation, Trump, qui avait jusqu’à
présent soigneusement évité de se faire photographier en portant un
masque, et était critiqué pour avoir ainsi encouragé les réfractaires à
ce dispositif prophylactique, a finalement été vu masqué pendant sa visite à l’hôpital militaire Walter-Reed samedi à Washington. «Je n’ai jamais été contre les masques, mais je crois qu’il faut en porter en fonction du moment et de l’endroit», a-t-il dit.
Mais
surtout, les sondages ne sont pas bons. Le volontarisme du président,
qui voudrait sortir de la période Covid et encourager la reprise
économique, apparaît comme en décalage avec la réalité. 67 % des
Américains ne sont pas convaincus par sa gestion de la crise sanitaire.
Le directeur du Centre des maladies infectieuses, le docteur Anthony Fauci,
devenu ces derniers mois une célébrité médiatique en même temps que
l’une des voix les plus écoutées sur l’épidémie, n’est plus consulté par
Trump. «Il est gentil mais il a fait des erreurs», a commenté
le président dans un récent entretien téléphonique sur Fox News. Mais
beaucoup d’Américains ne sont pas de cet avis.
Signes de fatigue
Quatre
mois avant l’élection présidentielle, Trump accuse un retard
préoccupant sur Joe Biden. Les dernières estimations le donnent en
moyenne dix points derrière son adversaire démocrate. Même si la leçon
de 2016, quand le républicain avait gagné le scrutin alors que les
sondages le donnaient perdant pendant presque toute la campagne, reste
dans les mémoires, son retard est cette fois plus important que face à
Hillary Clinton. Il ressemble plus à celui de Jimmy Carter quand il
avait tenté de se faire réélire en 1979.
L’étrange popularité de Joe Biden est tout aussi préoccupante. Malgré, ou peut-être grâce à son absence dans les médias,
le candidat démocrate engrange les soutiens. Sans rassemblements
électoraux ni apparitions publiques, Biden semble surtout bénéficier de
son absence, laissant le président s’enferrer tout seul, face à une
crise d’ampleur historique. L’ancien vice-président d’Obama, politicien
tout ce qu’il y a de plus classique, ne semble pas offrir autant de
prises que Hillary Clinton aux moqueries et aux attaques de son
adversaire républicain.
Mais surtout, la machine Trump donne des signes de fatigue. Même s’il fait preuve d’une impressionnante résilience, le président américain donne l’impression d’être dépassé face à des événements sur lesquels ses sorties sarcastiques sur Twitter
et ses accusations lancées à ses adversaires n’ont pas de prise. Il
s’est plusieurs fois retrouvé sur la défensive, publiant même un message
pour justifier ses parties de golf au beau milieu d’une crise
nationale.
Sa
décision de commuer la peine de prison de son ancien ami et conseiller
Roger Stone, condamné pour avoir menti aux enquêteurs sur les ingérences
russes dans l’élection de 2016, a été accueillie froidement, même dans
les milieux républicains.
Portrait dévastateur
La
décision de la Cour suprême, qui a jugé la semaine dernière que le
président n’avait pas le droit de refuser de communiquer ses
déclarations d’impôts à la justice a été aussi un sérieux revers pour
Donald Trump. Le président, qui depuis 2016 refuse obstinément de
publier les détails de sa situation fiscale, a vu voter contre lui les
deux juges conservateurs, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh, qu’il avait
lui-même nommés. «Dans notre système de gouvernement, comme l’a
souvent déclaré cette cour, personne n’est au-dessus de la loi. Ce
principe s’applique, bien sûr, à un président», a déclaré le juge Kavanaugh.
»
Pour ajouter à ses tracas, les tentatives d’empêcher la publication du livre de sa nièce, Mary Trump, ont échoué. Intitulé Trop et jamais assez , le livre doit sortir mardi prochain.
Écrit par la fille de son frère aîné, mort prématurément, l’ouvrage,
d’après la presse américaine, dresse un portrait psychologique
dévastateur du président. Trump y est décrit comme un personnage brutal,
manquant de respect et d’empathie, mais aussi souffrant d’une profonde
insécurité, compensée par une propension pathologique à
l’autosatisfaction. Si cet ouvrage n’est pas le premier à peindre le
président américain sous des traits peu flatteurs, il est, comme celui
de son ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton, paru voici
quelques semaines, écrit par quelqu’un ayant connu personnellement le
président.
Décrit par les classiques
sources anonymes citées par la presse américaine, Trump aurait été
entendu ces dernières semaines se plaindre fréquemment de la malchance
qui le frappe.