![La Série Eden est à voir sur le site d’Arte depuis le 2 mai. Crédit : Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_medium/02ccf0998ca27b02b494aebb8c75bcd2003d3337.jpeg)
Ils sont migrants, passeurs, agents de sécurité, responsable de hotspot, ou encore famille d’accueil. À travers leurs regards, leurs espoirs et leur appréhensions, la série "Eden" raconte sans cynisme ni naïveté la "crise migratoire" qui secoue l'Europe depuis cinq ans.
"Eden"
débute sur une plage en Grèce, sur l’île de Chios en Mer Égée. Une
famille allemande y passe ses vacances. Assis sur leur serviette de
bain, ils mangent une glace. Le père, la mère et leur fils observent
d’autres touristes en train de se baigner. Puis la caméra prend le
large, jusqu’à nous montrer un petit canot, qui s’approche de la plage.
Il est surchargé. À bord, des dizaines de personnes en jeans, t-shirts
et gilets de sauvetage. Sur la plage, c'est la stupéfaction. Les
migrants sautent à l'eau. atteignent la terre ferme, et se mettent à
courir, laissant derrière eux leur embarcation de fortune et des
vacanciers éberlués.
![En pleines vacances en Grèce, la famille Hennings observe l’arrivée de migrants sur la plage. Plus tard, en Allemagne, ils décideront d’aider un réfugié syrien. | Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut En pleines vacances en Grce la famille Hennings observe larrive de migrants sur la plage Plus tard en Allemagne ils dcideront daider un rfugi syrien Crdit Capture dcran dArte production Eden SWRPierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/0b543e7d8be10455da683fbbab37ea3c2675538d.jpeg)
Une famille présente ce
jour-là décide d'accueillir un réfugié syrien - comme si le réalisateur
avait voulu refléter l’enthousiasme d’une partie de la population pour
la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel en 2015. Le fils
de la famille, plus mal à l'aise avec la venue de cet inconnu, montre
ostensiblement son hostilité à l'égard du réfugié, prénommé Bassam.
"Il
y a une complexité dans chacun de nos personnages", explique Felix von
Boehm, l’un des producteurs de la série. Avant de travailler sur "Eden",
il avait réalisé un documentaire sur les migrants logés dans l’aéroport
Tempelhof à Berlin. "Cela m’a permis de réunir beaucoup d’histoires sur
la migration", raconte-t-il.
![Des migrants clandestins débarquent sur une plage de vacanciers | Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut Des migrants clandestins dbarquent sur une plage de vacanciers Crdit Capture dcran dArte production Eden SWRPierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/f0f8c0fc7e4fcedd5315da2c3cafb1336a3dc686.jpeg)
Pendant
le travail d’écriture, Felix von Boehm se souvient que les scénaristes
et producteurs suivaient quotidiennement les dernières actualités sur la
migration. Ils voulaient rendre compte avec fidélité de la complexité
du sujet. "Complexité", le terme revient régulièrement dans la bouche du
producteur. C'est le maître-mot de la série. "Nous racontons des
histoires où le bien et le mal n’existent pas", explique-t-il, soucieux
de ne pas dépeindre uniquement des portraits de "bons" demandeurs
d'asile.
Des personnages complexes
Dans le premier épisode, Daniel, un jeune homme originaire du
Nigéria, sort de ses gonds en apprenant que le traitement de son dossier
d'asile est repoussé. Coincé à Athènes, en Grèce, il n'a pas le temps
d'attendre. Daniel veut aller en Angleterre, où, pense-t-il, la vie y
sera meilleure. Son frère cadet Amare ne veut pas le quitter, et refuse
de rester seul en Grèce, un pays qu'il ne connaît pas et dont il ne
parle pas la langue. La fratrie décidera alors de quitter leur centre
d'accueil en pleine nuit. Daniel brûlera un cabanon avant de s'enfuir.
Son frère Amare, témoin de la scène, désapprouve. Chaque personnage de
la série est toujours tiraillé par sa part sombre.
Jan Krüger, le co-producteur, défend aussi cette vision
non-manichéenne de ses personnages. Il prend l’exemple d’un dissident
syrien, que les téléspectateurs auront du mal à cerner. "A-t-il eu un
passé sombre, a-t-il agi en bourreau, où a-t-il simplement obéi aux
ordres pour sauver sa peau ?"
![Amare, un jeune Nigérian, dans l’attente d’un passeur qui a promis de pouvoir l’aider à rejoindre le Royaume-Uni. | Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut Amare un jeune Nigrian dans lattente dun passeur qui a promis de pouvoir laider rejoindre le Royaume-Uni Crdit Capture dcran dArte production Eden SWRPierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/a98ec274ef1e552062d90884e64d08019f37ee6e.jpeg)
La série parle aussi d'une Grèce à genoux, tiraillée entre son devoir d'accueil et sa crise économique à gérer.
Une réalité de la misère grecque que les réalisateurs ont confrontée
au personnage d'Hélène, responsable de la gestion des camps d'Athènes,
qui séjourne dans des hôtels de luxe entre deux avions pour Bruxelles.
Mettre des noms sur des visages
Felix von Boehm a voulu s'arrêter sur quelques personnages, pas sur
un ensemble de migrants anonyme et sans visage, comme on le voit souvent
dans les médias. “Nous voulions apporter autre chose que ce que le
journalisme peut faire", affirme le producteur. "Nous voulions permettre
au public de vraiment se plonger dans les biographies personnelles et,
si je peux utiliser l’expression, aller à la rencontre de leur âme."
![Le mari de Maryam a eu un passé sombre, avant que le couple syrien ne fuit le Liban pour se réfugier à Paris. | Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut Le mari de Maryam a eu un pass sombre avant que le couple syrien ne fuit le Liban pour se rfugier Paris Crdit Capture dcran dArte production Eden SWRPierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/7f222dcfd2b9b9e7ea733e1be0fe21026e0c74c7.jpeg)
L’essentiel
de la série a été tourné dans un véritable camp de demandeurs d’asile
en Grèce. Les migrants y sont figurants. L’équipe a ainsi pu discuter
avec eux et prendre contact avec des travailleurs sociaux tout au long
du tournage pour s’assurer que les histoires soient crédibles.
La migration est un business
À travers le personnage d’Hélène - gestionnaire d'un camp -,
interprété par l'actrice française Sylvie Testud, "Eden" veut montrer
"l’ambivalence du monde occidental. Un monde qui cherche à aider tout en
étant coincé dans son univers capitaliste ou même l’aide humanitaire
est un business", explique Felix von Boehm. Hélène mise sur l’éducation
pour intégrer les migrants dans la société. Mais dans le même temps,
elle tente de convaincre le gouvernement grec de fermer les yeux sur un
incendie dans son camp, pour éviter que les médias ne viennent
s’intéresser de trop près à son "business".
![Le personnage d’Hélène Durand dirige un camp de demandeurs d’asile privé à Athènes | Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut Le personnage dHlne Durand dirige un camp de demandeurs dasile priv Athnes Crdit Capture dcran dArte production Eden SWRPierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/5396c408340bbfd8af7817655de13417a4c83841.jpeg)
Eden montre également la perversité
des mafias et des passeurs, qui trahissent à la première occasion les
migrants à qui ils promettent un "passage" sécurisé et sûr vers
l'Angleterre.
Changer l’opinion publique
La série a voulu faire de la famille allemande Hennings le reflet de
la société tout entière. "Ils sont un peu comme Angela Merkel. Au début,
le mot d’ordre était 'nous pouvons le faire'. Mais ils se retrouvent
vite face à des obstacles. Notamment lorsqu'ils réalisent que leur fils
de 15 ans n’est pas un très grand fan de son nouveau frère adoptif,
Bassam. Cela va évidemment créer des rebondissements et des problèmes…",
explique Felix von Boehm.
![Un passeur promet aux migrants de les faire traverser la frontière. Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut Un passeur promet aux migrants de les faire traverser la frontière. Crédit: Capture d’écran d’Arte production "Eden" © SWR/Pierre Meursaut](https://scd.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/70ff9dd022934602b537affaebb80ab41dc2d64d.jpeg)
S'agissant d’une production franco-allemande, les producteurs et
scénaristes de la série ont également tourné une partie de la série à
Paris. Eden suit une famille dissidente syrienne, qui peine à prendre
ses repères dans la capitale française.
Felix von Boehm espère qu'à l'approche des élections européennes, la
série va aider certains téléspectateurs à ne plus voir les migrants et
réfugiés comme une "masse anonyme qui envahit l’Europe", conclut-il. "Il
y a une histoire, une vie derrière chaque effort qu’une personne fait
pour rejoindre l’Europe".