Au début des années 2000, la côte sénégalaise était une terre de départ pour les migrants de la région désireux de rejoindre l’Europe, via les îles Canaries. Aujourd'hui, la route a changé, mais les Sénégalais sont encore nombreux à vouloir rejoindre le vieux Continent, en passant cette fois par la Libye ou par le Maroc. InfoMigrants a rencontré Issa qui est retourné vivre dans son village après avoir passé sept ans en Espagne.
"Nous,
Sénégalais, il faut qu’on aille ailleurs pour se rendre compte de ce qu’on a
dans notre pays". Après sept ans passés en Espagne, Issa est rentré en
2014 dans son village de Diaguabal, à 40 km de Saint Louis (dans le nord du
Sénégal).
C’est
sur son terrain agricole de 40 hectares que nous rencontrons cet homme de 39
ans. Veste en jeans, pantalon noir, chaussure bateaux et lunettes de soleil,
Issa tient à rester élégant même quand il travaille la terre.
Deux
fois par jour, il vient dans son champ, situé à quelques kilomètres de la
maison familiale, s’assurer que la terre est assez humide. "Je cultive du
riz la moitié de l’année, et l’autre moitié des légumes", explique-t-il,
en contemplant son terrain. "Quand j’ai commencé, ce n’était pas aussi
vert, j’ai dû travailler dur pour obtenir ce résultat".
La
récolte aura lieu dans trois mois. Issa emploiera alors une quinzaine de
personnes pour ramasser le riz. Il le vendra ensuite aux entreprises de la
région.
C’est
avec l’aide financière de l’Organisation internationale des migrations (OIM)
que le Sénégalais a pu développer son affaire. "L’argent qu’ils m’ont
donné m’a permis de labourer le terrain qui n’était pas praticable",
dit-il.
Depuis
2014, l’OIM a permis à 131 Sénégalais vivant en Espagne de retourner chez eux.
"On essaye de mettre en place un projet durable pour que les anciens
migrants n’aient pas envie de repartir et ne regrettent pas leur choix",
précise Lia Poggio, responsable des programmes d’assistance et de réintégration
des migrants à l’OIM Dakar. "La majorité des projets se concentrent dans
l’agriculture ou l’élevage", ajoute-t-elle.
"J’ai
réalisé que j’avais laissé ma vie au Sénégal"
"Un
jour, j’ai eu un déclic : j’ai réalisé que j’avais laissé ma vie au
Sénégal", dit l’agriculteur. "J’ai compris que ce que j’étais allé
chercher en Europe, je l’avais déjà chez moi". Avant son départ, le
Sénégalais travaillait déjà la terre mais il était persuadé que sa vie
serait meilleure en Europe.
Selon lui, le retour au village des expatriés
peut s’avérer néfaste pour la jeunesse restée au pays. "Ils débarquent
avec des grosses voitures et construisent des belles maisons, cela fait
rêver et on se dit : ‘pourquoi pas nous ?’". Il pense que s’il "avait
su, il ne serait pas parti".
A son retour, Issa a réalisé que trois de ses
amis originaires de Diaguabal étaient partis tenter leur chance en Espagne et
au Portugal. L’agriculteur assure pourtant que l’avenir est au Sénégal.
"Il faut que les jeunes restent ici et développent leur pays. Les gens
disent qu’il n’y a pas de travail mais ils n’en créaient pas non plus".
Par infomigrants.net