VANCOUVER | Une dirigeante du géant chinois des télécoms
Huawei, au centre d’une crise
diplomatique majeure entre le Canada et la
Chine depuis son arrestation en décembre, a promis de se battre bec et
ongles contre son extradition vers les États-Unis, lors d’une nouvelle
comparution mercredi devant un tribunal de Vancouver.
Pendant plusieurs heures, les avocats de la directrice financière
de Huawei, Meng Wanzhou, ont contesté son arrestation «illégale» à
l’aéroport de Vancouver le 1er décembre, à la demande de la
justice américaine, et ont demandé un assouplissement des conditions qui
ont entouré sa remise en liberté quelques jours plus tard.
À l’extérieur du palais de justice, Benjamin Howes, porte-parole
de Huawei Canada, a indiqué que Mme Meng, âgée de 47 ans, «exigera un
arrêt de la procédure d’extradition».
«Le dossier criminel contre Mme Meng est basé sur des allégations
qui sont tout simplement fausses», a-t-il déclaré, faisant valoir des
«facteurs politiques» selon lui à l’origine de son arrestation ainsi que
des violations de ses droits.
Les prochaines comparutions auront lieu à partir du 23 septembre
et jusqu’à début octobre, mais elles devraient être consacrées à des
points de droit. L’examen formel de la demande d’extradition de Meng
Wanzhou ne devrait pas commencer avant janvier prochain. Le processus
pourrait durer des mois, voire des années en raison des nombreuses
possibilités d’appel.
La dirigeante avait été remise en liberté moyennant le dépôt d’une
caution de 10 millions de dollars canadiens, le port d’un bracelet
électronique et la remise de ses passeports.
Le parquet a indiqué qu’il souhaitait accélérer la procédure.
Cependant, les discussions autour du dossier de preuves, un document de 1
742 pages largement censuré, selon la défense, risquent de se
prolonger.
Le ministère américain de la Justice accuse Huawei et sa
directrice financière d’avoir contourné les sanctions américaines contre
l’Iran, ce qu’ont contesté les avocats de Meng Wanzhou.
Ils ont également contesté mercredi la principale accusation à
l’encontre de Mme Meng, selon laquelle celle-ci aurait fait de fausses
déclarations aux banques américaines sur les opérations commerciales de
Huawei en Iran.
Par Le Journal de Montréal
En décembre, le président américain Donald Trump s’était dit prêt à
intervenir dans l’affaire Meng Wanzhou si elle lui permettait de
négocier un bon accord commercial avec la Chine, des déclarations qui
ont déplu au Canada.
«Intimidants et corrosifs»
Mercredi, les avocats de Mme Meng ont qualifié les commentaires de
M. Trump d’«intimidants et de corrosifs pour la règle de droit».
Depuis le début de cette affaire, le premier ministre Justin
Trudeau n’a eu de cesse d’affirmer que le Canada était «un État de
droit».
Depuis l’arrestation de Mme Meng, la Chine a arrêté l’ex-diplomate
canadien Michael Kovrig et son compatriote consultant Michael Spavor,
qu’elle soupçonne d’espionnage, et condamné à mort deux autres Canadiens
reconnus coupables de trafic de drogue.
Pékin a aussi bloqué des livraisons canadiennes de colza et de
porcs, sur un marché de plusieurs milliards de dollars annuellement.
Le Canada dénonce «la détention arbitraire» de MM. Kovrig et
Spavor et juge la condamnation à mort des Canadiens Fen Wei et Robert
Schellenberg «cruelle et inhumaine».
Dans son bras de fer avec Pékin, Ottawa a obtenu le soutien de ses alliés, y compris l’Union européenne, l’Otan et le G7.
Ces derniers jours, Ottawa a fait pression sur Washington - qui
tente de mettre fin à sa guerre commerciale avec Pékin - pour intercéder
en faveur des détenus canadiens en Chine.
La dirigeante de Huawei a elle-même entamé une procédure
judiciaire contre les autorités canadiennes, qu’elle accuse d’avoir
violé «ses droits constitutionnels» lors de son arrestation.
Ses avocats contestent notamment les conditions dans lesquelles
Mme Meng aurait été interrogée pendant trois heures par les douaniers,
officiellement dans le cadre d’une inspection de routine, avant de se
voir signifier le mandat d’arrêt des États-Unis.
La décision finale sur son extradition reviendra au ministre canadien de la Justice, David Lametti.
Par le Journal de Montréal