SÉOUL | La Corée du Nord vient de tirer au moins une arme qui présente de nombreuses
D’après les analystes, le Nord a voulu signifier aux États-Unis son
sentiment de frustration après l’échec du sommet de Hanoï fin février.
Les deux parties s’étaient alors écharpées sur la question des sanctions
infligées à Pyongyang et la portée d’éventuelles concessions que
pourrait faire le nord en matière de dénucléarisation.
Mais la Corée du Nord ne souhaite pas mettre fin à un processus de
détente initié par sa voisine du Sud et désormais dans l’impasse.
Le président américain Donald Trump présente lui l’absence d’essai
nucléaire ou de tir de missile balistique intercontinental (ICBM) depuis
plus d’un an comme un succès de politique étrangère majeure.
Pyongyang, Séoul et Washington ont ainsi tous trois des motifs pour ne pas bouleverser la situation.
« En
matière de politique nord-coréenne, la plus grande réussite du
président Trump c’est la suspension par Pyongyang de ses essais
nucléaires et balistiques depuis fin 2017 », déclare à l’AFP Hong Min,
chercheur à l’Institut Corée pour l’unification nationale.
« Mais si nous disons aujourd’hui que cet exercice concernait des
missiles balistiques, alors ce succès autoproclamé volerait en éclats »,
ajoute-t-il.
L’agence nord-coréenne KCNA a expliqué que les exercices menés
samedi concernaient des « lance-roquettes multiples à longue portée »
ainsi que des « armes tactiques guidées » dont la nature n’a pas été
précisée.
À la différence des roquettes, les missiles ont des systèmes de
guidage. Selon les analystes, les images publiées par les médias
nord-coréens montrent un engin similaire au missile russe Iskander à un
étage. Il ressemble à une arme présentée par la Corée du Nord lors d’un
défilé militaire l’année dernière, au moment où s’amorçait la détente
sur la péninsule.
L’armée sud-coréenne a mentionné initialement des tirs de
« missiles de courte portée », mais elle les a requalifié une heure
après de « projectiles ».
« Faire monter la tension »
Ils avaient une portée de 70 à 240 kilomètres et sont tombés en mer, a-t-elle précisé.
De la même manière, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a
évité de parler de missiles, décrivant des engins à « courte portée »
dans des entretiens télévisés.
Ils ne « présentaient pas de menace » pour les États-Unis, la Corée
du Sud et le Japon, a-t-il assuré sur ABC. « Nous espérons qu’on pourra
revenir à la table » des discussions.
L’an dernier, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avait expliqué
que le développement du programme atomique de son pays était achevé,
annonçant la fin des tests nucléaires et des essais d’ICBM.
Un essai à courte portée ne constituerait pas une violation de cet
engagement mais tout tir de missile balistique pourrait infliger « de
graves dégâts » au processus de discussions entre les États-Unis et la
Corée du Nord, ajoute le chercheur Hong Min.
Aux yeux des experts du site 38 North, les tirs de samedi ne
traduisent pas un changement de la part de Pyongyang, ce qui « exigerait
un bouleversement de ligne stratégique majeur ». « Cela pourrait se
produire mais ce n’est pas vraisemblable seulement deux mois après le
sommet de Hanoï », estime le site.
Cependant, bon nombre de conservateurs sud-coréens, qui sont plus
hostiles à l’endroit de la Corée du Nord que le gouvernement de
centre-gauche du président Moon Jae-in, considèrent que Pyongyang a bien
tiré des missiles balistiques et que la réaction de Séoul met la la
sécurité nationale en danger.
« Les missiles nord-coréens représentent une menace pour la vie et
la sécurité des Sud-Coréens », accuse la députée Na Kyung-won, membre du
parti de la liberté de Corée (conservateur).
« Mais notre armée et nos services de renseignement tentent de minimiser les risques », ajoute-t-elle.
L’Iskander russe peut transporter une petite tête nucléaire, a
relevé mardi le journal conservateur JoongAng Ilbo. Et une version
nord-coréenne tirée de Wonsan, près de la frontière entre les deux
Corées, peut mettre en danger « les deux tiers » des gens qui vivent à
Séoul ou dans ses environs, selon le quotidien.
« Alors même que la Corée du Nord fait monter la tension comme elle
sait si bien le faire, notre gouvernement réagit à peine », regrette
son éditorialiste.
Par le Journal de Montréal