Voici comment fonctionnera le vaccin contre le coronavirus de Moderna, qui vient d'entamer sa phase finale

Un chercheur travaille sur un vaccin contre le Covid-19 au laboratoire de recherche de l'université de Copenhague, au Danemark, le 23 mars 2020. © THIBAULT SAVARY/AFP via Getty Images
Le vaccin contre le coronavirus de Moderna est entré, ce lundi 27 juillet, dans une nouvelle phase de tests cruciale. Le laboratoire est passé à la phase 3 de son essai clinique, qui implique 30 000 volontaires sur 87 sites à travers les États-Unis. C'est le premier essai en phase finale d'un éventuel vaccin contre les coronavirus à commencer aux États-Unis. Le PDG de Moderna a déclaré que l'entreprise devrait produire des résultats d'ici la période de Thanksgiving (qui démarrera le 26 novembre prochain). Si ces résultats sont bons, la FDA (l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) pourrait alors approuver rapidement le vaccin pour une utilisation d'urgence chez les personnes à haut risque, dans la mesure où elle envisage une homologation complète.
Moderna, dont le siège social se trouve dans le Massachusetts, s'est associé au National Institute of Allergy and Infectious Diseases pour mettre au point le vaccin. Son projet est l'un des nombreux projets financés par le gouvernement américain dans le cadre de l'opération "Warp Speed", une initiative qui vise à fournir 300 millions de doses d'un vaccin sûr et efficace d'ici janvier 2021.Parmi les autres vaccins soutenus par "Warp Speed" figurent des vaccins issus d'une collaboration entre Pfizer et BioNTech et d'un partenariat entre l'université d'Oxford et AstraZeneca. Le vaccin d'Oxford a déjà commencé ses essais de phase 3, avec des participants au Royaume-Uni, au Brésil et en Afrique du Sud. Les chercheurs prévoient de commencer à le tester aux États-Unis en août.

Ce que signifie la phase 3

L'infirmière Kath Olmstead fait une injection à la volontaire Melissa Harting, de Harpersville, New York, alors que l'essai de phase 3 du vaccin expérimental de Moderna commence, le 27 juillet 2020, à Binghamton, New York.  AP Photo/Hans Pennink
Un essai en phase 3 correspond généralement à l'essai final d'un médicament ou d'un vaccin avant qu'il puisse être vendu au public. Les phases 1 et 2, qui consistent généralement à administrer le médicament à de petits groupes de volontaires, visent à montrer qu'un candidat exposé au vaccin génère une réponse immunitaire et qu'il est globalement sûr.
Les essais de la phase 3 testent l'innocuité et l'efficacité d'un vaccin sur un plus grand nombre de personnes réparties sur plusieurs sites.
Pour l'essai de Moderna, les volontaires recevront deux injections à environ 28 jours d'intervalle. La moitié des participants recevront le vaccin potentiel et l'autre moitié un placebo. Il s'agit d'un essai en double aveugle, ce qui signifie que ni les chercheurs ni les volontaires ne sauront qui a reçu quelles doses.
La phase 2 des essais est toujours en cours, mais les résultats de la phase 1, publiés au début du mois, ont montré que le vaccin était globalement sûr et qu'il déclenchait des réponses immunitaires chez les volontaires.

Parier sur un vaccin à ARNm

Le vaccin de Moderna, appelé mRNA-1273, est différent des autres vaccins existants. Il utilise une technologie appelée "ARN messager" (Acide ribonucléique messager) pour créer des doses de vaccin en utilisant uniquement le code génétique d'un virus. Par conséquent, le développement d'un vaccin à ARNm peut prendre moins de temps.
Mais aucun vaccin de ce type n'existe encore sur le marché, en grande partie parce que la science qui les sous-tend est nouvelle. S'il était approuvé, le vaccin de Moderna serait le premier vaccin à ARNm. Les vaccins potentiels de Pfizer contre le coronavirus sont également de type ARNm.
Les vaccins traditionnels reposent sur plusieurs autres méthodes, telles que l'utilisation d'échantillons vivants d'un virus affaibli ou d'un virus qui a été tué.
Les vaccins expérimentaux à ARNm ont cependant réussi à provoquer des réponses immunitaires chez des patients atteints de cancer. Et certaines recherches suggèrent même qu'ils pourraient déclencher une réponse immunitaire plus forte que les vaccins ordinaires en stimulant notre système immunitaire inné : les parties de notre système immunitaire avec lesquelles nous sommes nés, comme la peau et les muqueuses. La plupart des vaccins stimulent les parties de notre système immunitaire qui sont activées lorsque nous entrons en contact avec des agents pathogènes, comme les cellules T.
Si le pari de Moderna s'avère payant, il pourrait révolutionner le développement des vaccins. Mais il reste encore beaucoup d'inconnues. Les chercheurs ne savent pas encore si les vaccins à ARNm généreront une immunité à long terme, déclencheront des réponses immunitaires adéquates ou s'ils provoqueront des effets secondaires indésirables.
Le coût potentiel du vaccin reste également à déterminer. Le PDG de Moderna, Stephane Bancel, a récemment déclaré à Business Insider US que la société envisage de fixer deux prix, avec un coût plus bas pendant la pandémie. Cependant, la startup a perdu un litige juridique concernant un brevet la semaine dernière, ce qui signifie que Moderna pourrait devoir payer pour l'utilisation de la technologie fondamentale ARNm. Cela pourrait l'obliger à fixer un prix de vaccin plus élevé.

Moderna n'a jusqu'à présent jamais obtenu l'approbation pour développer un vaccin

Des flacons d'un éventuel vaccin de type mRNA en cours de développement pour le COVID-19 sont photographiés à l'université Chulalongkorn de Bangkok, en Thaïlande, le 25 mai 2020.  Athit Perawongmetha/Reuters
Moderna a levé plus de 600 millions de dollars lors de son introduction en Bourse en décembre 2018, la plus grande introduction en Bourse de l'histoire des biotechnologies. L'entreprise a été créée en 2010 et, depuis lors, son seul objectif est d'utiliser la technologie ARNm synthétique pour reprogrammer des cellules vivantes afin de développer des réponses immunitaires. D'autres grandes entreprises pharmaceutiques considèrent ce pari comme risqué, car les systèmes de transmission ARNm sont susceptibles de générer des effets secondaires indésirables.
En 2016, un éditorial de la revue Nature a même comparé Moderna à la start-up biotechnologique Theranos (qui a fait faillite), accusant la société de choisir "la furtivité plutôt que la divulgation de données". Car, à cette époque, Moderna n'avait pas encore décrit ses méthodes dans une revue à comité de lecture. Elle a cependant publié depuis lors des conclusions relatives à son vaccin contre les coronavirus dans le New England Journal of Medicine.
Le conseil d'administration de Moderna comprend d'éminents scientifiques, tels que Robert Langer, professeur de génie chimique primé au MIT, et Betsy Nabel, présidente du réseau Brigham Health, affilié à Harvard. De nombreux employés de Moderna, y compris les plus sceptiques quant à l'avenir de la société, estiment presque tous que l'entreprise n'a rien a voir avec Theranos. "Ce n'est pas Theranos. Il y a de la vraie science ici", a déclaré Damian Garde à WBUR (une station de radio publique appartenant à l'Université de Boston).

Le futur vaccin devra surmonter de nombreux obstacles

Même si le vaccin de Moderna réussit son essai de phase 3 d'ici cet automne, son homologation pourrait prendre plus de temps. De plus, faire homologuer un vaccin contre les coronavirus d'ici janvier 2021 constituerait un exploit sans précédent.
Même dans ce cas, d'autres facteurs pourraient compromettre sa capacité à mettre fin à la pandémie. La protection par les anticorps pourrait s'affaiblir rapidement, rendant les rappels nécessaires. La production et la distribution de masse du vaccin pourraient poser des problèmes de logistique et d'approvisionnement. Et certaines personnes pourraient choisir de ne pas se faire vacciner au départ.
Bien sûr, il y a aussi une chance que le vaccin potentiel ne réussisse pas du tout. Une étude réalisée en 2016 sur 640 essais de phase 3 a révélé que 344 avaient échoué, soit environ 54 %. Une autre étude a révélé que sur 302 demandes de nouveaux médicaments soumises à la FDA à la suite d'essais de phase 3, 50 % de ces médicaments ont été initialement rejetés. Cependant, près de la moitié des médicaments rejetés ont finalement été approuvés.

Contre qui Moderna fait la course

A ce jour, trois autres vaccins potentiels sont passés en phase 3 des essais cliniques : Sinovac, Sinopharm et l'université d'Oxford en collaboration avec AstraZeneca. L'essai de Sinovac au Brésil et l'essai de Sinopharm aux Émirats arabes unis devraient durer de trois à six mois. Quant à Oxford, les chercheurs n'ont pas précisé la durée de leur phase 3, mais ils ont indiqué qu'ils espéraient disposer d'un vaccin d'ici Noël.
Au total, 24 vaccins potentiels contre les coronavirus sont actuellement testés sur l'homme, et au moins 18 autres pourraient être prêts à démarrer les essais cliniques cette année.
Version originale : Susie Neilson / Business Insider US. Traduit de l'anglais par Mégan Bourdon.
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Par Business Insider