Selon le sociologue David Le Breton, la tendance actuelle des pratiques
sportives à haute intensité
(CrossFit, boxe thaïe...) est à rapprocher
de l’ultralibéralisme et du culte de l’immédiat.
David Le Breton est anthropologue et professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Il est l’auteur de Disparaître de soi. Une tentation contemporaine (Métailié, 2015).
Comment analysez-vous le succès de ces lieux
de pratiques sportives à haute intensité, où l’on cherche à avoir des
résultats rapides ?
C’est un phénomène très récent qui renvoie à la « technologisation »
de la vie quotidienne et à une humanité de plus en plus assise : on est
assis en voiture, au bureau, devant la télé… C’est une manière de
surcompenser, de façon un peu brutale, ce sous-emploi du corps. Nous
vivons dans le culte de l’urgence, de la vitesse, du rendement, de
l’efficacité. On veut se « rentrer dedans » en une heure, en pensant que
cela a des résultats durables. Je fais le lien avec
l’ultralibéralisme : le tout tout de suite, le culte de l’immédiat et de
l’urgence. On se laisse prendre par le temps plutôt que de prendre le
temps. On prend un coach pour être plus efficace, avoir le plus de
rendement possible, or il n’y a aucune équation !
Est-ce la volonté d’avoir un corps sculpté ou de mettre en valeur le meilleur de soi ?
Ces sports valorisent, car ils sont peu courants. Ils ne touchent pas
les milieux populaires mais les classes moyennes ou privilégiées :
c’est une manière de se démarquer, une petite excentricité, c’est
presque un « narcissisme » de la différence qui échappe aux autres. Mais
c’est aussi être en forme et bien dans sa peau. C’est être dans un
affrontement symbolique avec les autres : aller plus loin, plus vite,
être à la hauteur d’un affrontement physique. Le choc en retour, c’est
la maltraitance du corps. C’est le prix à payer de cette volonté de
sortir épuisé et de risquer des lésions durables.
Pourquoi s’infliger des douleurs ?
Ce n’est pas une douleur subie mais choisie. Cela ne ressemble pas du tout à une souffrance. Même si vous sortez totalement...
Source:lemonde.fr