«La République en gilets pare-balles » c’est l’éditorial que signe Haman
Mana dans le quotidien Le
Jour, dont il est par ailleurs le Directeur de publication.
Ils font pitié à voir, ces hauts dignitaires de l’État du Cameroun qui ne font plus un pas sans
Jour, dont il est par ailleurs le Directeur de publication.
Ils font pitié à voir, ces hauts dignitaires de l’État du Cameroun qui ne font plus un pas sans
apparaître engoncés dans leurs gilets
pare-balles, terrés dans des véhicules blindés. Dans leur propre pays,
un pays qu’ils sont censés «contrôler», et sur lequel ils doivent faire
«régner l’ordre», pour reprendre le lexique de l’un des plus fanfarons
d’entre eux… Et, pour le coup, il s’agissait d’une fête sportive. Où
l’on retrouve un ministre de la République au milieu d’un imposant
cordon de sécurité, accoutré comme un général US dans un Afghanistan en
proie à Al Qaeda. Image terrifiante de dignitaire, sur un terrain dont
on nous avait ressassés voici deux années qu’il n’y avait «pas de
problème».
Le gilet pare-balles, comme son nom l’indique, n’est
qu’une parade, une protection sommaire et provisoire contre un éventuel
danger par balles. Il n’a rien de sûr, et parfois n’est là que pour
rassurer celui qui le porte. Car, dans la réalité, le danger, s’il se
présente et s’il est porté par des mains expertes, causera toujours des
dégâts pouvant aller jusqu’à la mort.
L’effet désastreux, produit
par ces images inimaginables, dans une République digne de ce nom, en
dit long sur l’attitude de ceux qui ont en main le Cameroun
d’aujourd’hui : le chef est protégé, doit vivre, tout seul alors qu’à
ses côtés, les personnes qu’il est censé protéger affichent leur plus
grande vulnérabilité. Lorsqu’un gouverneur de région, un ministre se
protège ainsi, que pense-t-il des populations qui, tous les jours, sans
protection, affrontent le quotidien dans ces zones où il est visible que
le gouvernement perd la main ?
La parade rapide, la fuite en
avant… Le véhicule blindé, le gilet pare-balles, le casque lourd, le
fusil automatique, le fusil-mitrailleur, le canon, le feu, la troupe,
l’armée. Depuis 2016, là où on demandait à ceux qui nous gouvernent de
donner de l’espoir, ils ont préféré apporter la force, la force armée.
Et, depuis le temps, malgré l’intensité des feux, rien n’est réglé. Le
conflit s’enlise sans qu’aucune chance ne soit donnée au dialogue pour
la paix. D’un revers de la main, l’initiative de Mgr Tumi fut balayée.
On proposa à la place des redditions sans conditions, qui à ce jour
n’ont produit aucun effet.
Force est ainsi de constater que la
force armée, quelle que soit sa puissance, n’est pas la solution à ce
problème. Tout comme les brutalités de toutes sortes, remède-miracle
pour la résolution de tous les problèmes désormais, n’en règle aucun.
On nous avait déjà montré des images d’échecs. Mais celle-ci est, de
toutes, la plus pathétique, la plus pitoyable, la plus lamentable. Car
pendant longtemps, on nous a vendu «la paix» comme étant l’acquis le
plus sûr, le plus important, le plus certain. C’est à cette «paix» qu’a
mal le système, aujourd’hui. Pour l’instant, «ils» ont cru trouver la
solution : le gilet pare-balles.
Haman Mana