A quoi pourrait ressembler la transition en Algérie après le retrait de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika et le report de la présidentielle ? Le nouveau vice-Premier ministre Ramtane Lamamra a tenté de répondre à cette question mercredi 13 mars en s'exprimant depuis la radio nationale.
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika n'a pas reporté la
présidentielle et prolongé de fait son mandat pour rester au pouvoir,
mais parce que le scrutin était source de « division » des Algériens, a assuré mercredi 13 mars le nouveau vice-Premier ministre algérien.
Ramtane Lamamra a expliqué que le rôle de la conférence nationale
serait de mettre sur pied une plate-forme complète de réformes.
Certaines de ces réformes pourraient être incluses dans la Constitution,
qui serait ainsi modifiée. La Constitution sera ensuite soumise à
référendum.
Comment va se constituer cette conférence nationale ? Ramtane Lamamra
explique que le gouvernement se lancera dans des consultations dès
qu’il sera au complet. La conférence sera constituée de trois blocs,
celui de la mouvance présidentielle, celui de l’opposition et celui de
la société civile. Ramtane Lamamra a affirmé qu'elle devait refléter la
démographie algérienne, il faudra donc une majorité de jeunes et une
présence importante de femmes. Il a affirmé que si des membres de la
société civile voulaient intégrer ce gouvernement, ils seraient les « bienvenus » , et a annoncé qu’il souhaitait faire contribuer les Algériens via les réseaux sociaux, mais aussi les Algériens installés à l’étranger.
Objectif : mettre sur pied des réformes. « Le message du
président à la nation date du 3 mars. Il a indiqué qu'il était
nécessaire de sortir de la conférence avec une plate-forme complète de
réformes politiques, institutionnelles, économiques, sociales. Un
certain nombre de ces réformes devraient avoir valeur constitutionnelle.
Et ensuite, les politiques sectorielles et autres devront se faire dans
le cadre normal. »
S’il n'a donné aucun délai, le nouveau vice-Premier ministre a
affirmé qu’il souhaitait que le travail de cette conférence nationale se
fasse rapidement et que le président avait demandé à ce qu’elle termine
ses travaux avant la fin de l’année.
La société civile « bienvenue »
Enfin, de quoi pourra-t-on discuter au sein de cette conférence
nationale ? De tout, affirme Ramtane Lamamra, à l’exception du caractère
républicain et démocratique de l’Etat et des trois constantes
nationales, l’islamité, l’arabité et l’amazighité.
Enfin, Ramtane Lamamra a expliqué que les consultations en vue de la
formation d'un gouvernement étaient en cours. Ce gouvernement sera
chargé d’appliquer la feuille de route présentée dans la lettre
d’Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier restera en poste jusqu’à
l’aboutissement du travail de la conférence nationale et jusqu’à
l’élection d’un nouveau président de la République. L’élection
présidentielle du 18 avril supprimée, Ramtane Lamamra annonce que le
mandat des institutions se prolonge : « Toutes les institiutions de
la République continueront à fonctionner normalement, y compris
l'institution présidentielle, jusqu'à ce que le peuple algérien ait
librement choisi son successeur auquel il remettrait les charges de la
présidence de la République. »
Mais du côté de la société civile, on regarde d'un mauvais oeil les
mesures prises pour répondre à la contestation. Pour le vice-président
de la Ligue algérienne des droits de l'homme, le régime continue à
imposer ses choix sans concertation. « Le problème, c'est que cette conférence aujourd'hui est déjà verrouillée, discréditée, a déploré Saïd Salhi après les annonces de Ramtane Lamamra.
On avance déjà des noms qui sont déjà discrédités par la rue. Lamamra
lui-même était ancien ministre. On ne peut pas faire de changements avec
les mêmes personnages. On ne peut pas imposer un agenda, il faut qu'il y
ait des concertations, un dialogue préalable avec les acteurs
politiques, dégager des consensus pour arriver à de telles propositions.
On veut un départ négocié du système, on veut une transition avec le
peuple, en le concertant. C'est une offense de plus. »
■ Lakhdar Brahimi : « Ce n'est pas vrai »
L'ex-diplomate algérien Lakhdar Brahimi a démenti mercredi 13 mars,
sans fermer la porte à cette éventualité, avoir été nommé président de
la future conférence nationale que le président Abdelaziz Bouteflika
veut charger d'élaborer une nouvelle Constitution et d'organiser la
prochaine présidentielle. « Ce n'est pas vrai », a-t-il assuré lorsque la question lui a été posée lors d'un entretien d'une heure à la télévision nationale.
■ Opération villes mortes en Kabylie
Rideaux tirés, rues désertes, à part quelques boulangeries et pompes à
essence ouvertes... Dans la région de Kabylie, le quatrième jour de
grève était toujours suivi à presque 100%. Du petit commerçant au petit
café du village, tout est fermé, témoignent les habitants.
Lacen Amghar, retraité à Seddouk, une localité de 50 000 habitants à un peu moins de 200 km de la capitale, confirme : « Tout
est fermé, les mairies sont fermées, La Poste est fermée. Il n'y a que
le commissariat. Bon, c'est normal, c'est la police, ils sont là. C'est
vraiment suivi. »
Ville morte aussi du côté de Tizi Ouzou et Gardaïa, les deux plus
grandes villes de Kabylie, où des manifestations d'enseignants ont aussi
eu lieu hier. Pour Abdelmalek Azzi, enseignant à Gardaïa, c'est dans
cette mobilisation tous azimut que réside la spécificité et la force de
ce mouvement de contestation : « C'est le plus important, parce que
c'est ça qui démontre que le peuple est uni et qu'il continue à
revendiquer le départ de ce régime. Lorsqu'[est nommé] un ancien ministre de l'Intérieur, ça ne s'appelle pas du changement ça », observe le coordonnateur du Conseil national des enseignants du supérieur.
Toutes les grandes villes du pays promettent de nouvelles manifestations à venir.
Le principal rendez-vous est fixé à vendredi pour faire partir le régime en place, disent les manifestants.
Le principal rendez-vous est fixé à vendredi pour faire partir le régime en place, disent les manifestants.