En promettant prendre le pouvoir en ce mois de janvier, le leader de l’opposition a suscité de fortes
attentes.
Peu importe leur appréciation des faits,
les partisans de la Coalition pour la nouvelle République (CNR) ont
appris à faire avec les déclarations tout à trac de Jean Ping (lire «Désormais tout peut être envisagé»).
Ils ont tout autant appris à conjuguer avec ses saillies inquisitrices.
Surtout, ils ont appris à vivre avec ses annonces d’un épilogue heureux
(lire «La terre promise est très proche»).
Sur tous les tons, par des formules diverses et variées, ils ont eu
droit à des promesses de grand soir. En ont-ils soupé ? Rien ne
l’atteste. N’empêche, depuis quelques jours, de nombreux militants
reviennent sur sa promesse de prendre le pouvoir en janvier 2018,
certains entretenant même un compte à rebours. Tout cela donne lieu à
une passe d’armes assez musclée, les uns accusant les autres de naïveté,
les autres plaidant la confiance ou le refus de faire le jeu de leurs
adversaires politiques.
Agacement ou découragement
Tout est parti d’un discours prononcé le
9 décembre dernier au quartier général de Jean Eyéghé Ndong. Ce
jour-là, Jean Ping avait dit être prêt à «s’installer à la présidence». Accusant Ali Bongo de faire de la «gesticulation», il avait affirmé devoir épuiser la «voie démocratique»,
avant de recourir à un soulèvement populaire. Pour de nombreux
militants, cette sortie était de trop. Elle résonnait même comme une
galéjade. Le départ d’Ali Bongo n’avait-il pas déjà donné lieu à
plusieurs annonces ? Jean Ping n’était-il pas supposé rentrer le 25
juillet 2017 «en tant que président» ? Fallait-il en rajouter ?
Etait-ce un moyen d’éviter des explications sur sa faible implication
dans le débat sur la révision constitutionnelle ? Certains le croient.
Etait-ce plutôt un stratagème pour taire le débat latent sur la
participation aux prochaines législatives ? D’autres l’affirment.
Même si tout le monde s’en défend
publiquement, la stratégie de Jean Ping est de plus en plus décrite
comme une bouteille à l’encre. Sur le réseau social Facebook,
certains de ses soutiens s’écharpent désormais. Au fil du temps, les
échanges deviennent plus vifs, plus rudes mais aussi plus directs. Face
aux récriminations des uns, les autres établissent systématiquement un
parallèle avec la trajectoire d’André Mba Obame. Malgré les invites à
taire les divergences, les appels à davantage de solidarité ou les
silences réprobateurs, rien n’y fait. Reprenant malicieusement des
propos ou slogans de campagne, les militants inquisiteurs affirment
demeurer fidèles aux recommandations de Jean Ping lui-même voire à la
répartition des rôles. «En votant pour lui, j’ai rempli ma part de contrat. Il doit aussi remplir sa part», lit-on çà et là. Parfois les reproches se font plus précis : «Il nous avait dit que s’il s’arrête, on le pousse alors je le pousse». Difficile de ne pas y voir le signe d’un agacement ou d’un découragement progressif.
Une conjoncture inédite et longtemps espérée
Comme s’il entendait rassurer sa base, Jean Ping s’est récemment confié à notre confrère français Libération.
Réagissant à la citation à comparaitre et à l’interdiction de sortie du
territoire délivrées par le premier juge d’instruction près le tribunal
de première instance de Libreville (lire «Jean Ping bientôt entendu»), il a redit sa conviction. Selon lui, «Ali (Bongo) joue sa dernière carte». Surtout, «la communauté internationale (ne) laissera (pas) les Gabonais se faire massacrer à nouveau».
Il aurait voulu préparer l’opinion à une insurrection ou à des
manifestations de masse à venir, il n’aurait pas dit autre chose. S’il
s’est trouvé des militants ou sympathisants pour voir dans
l’intervention de Marie-Christine Lébama le signe d’un manque de
sérénité dans le camp Ali Bongo, cela n’a pas pour autant restauré la
confiance. Au-delà de la dénonciation de la judiciarisation de la vie
politique, une partie de l’opinion affirme toujours attendre la fin du
mois de janvier pour juger de la sincérité et du réalisme des promesses
de Jean Ping.
A l’endroit du leader de l’opposition,
les attentes sont fortes. En promettant prendre le pouvoir en ce mois de
janvier, Jean Ping a quelque peu joué à la roulette russe. Candidat
consensuel de l’opposition à la présidentielle d’août 2016, sa situation
est sans commune mesure avec celles vécues naguère par Paul Mba
Abessole, Pierre Mamboundou et André Mba Obame, engagés dans des
aventures solitaires. Porté par une conjoncture inédite et longtemps
espérée, il ne manque pas une occasion de réaffirmer sa détermination à
aller «jusqu’au bout», c’est-à-dire à la limite du possible.
Jean Ping à la présidence de la République, est-ce possible ? Lui veut
le croire. Mais, la multiplication des promesses non tenues nourrit
désormais tous les doutes.
Source:gabonreview.com